avril 2094 ▬ 10h15


Mickey sortit de chez lui, enfilant rapidement un blouson en cuir. Il s’engagea dans la rue encore déserte, le soleil lui fouettant soudainement le visage. Un sourire s’y afficha – le premier depuis longtemps. En tout cas, c’était un temps à faire fuir tous les vampires, et à rendre le travail des chasseurs dix fois plus compliqué. Raison de plus pour être heureux. Et encore, une autre cause : la solution pour exterminer définitivement le Spirit était presque à portée de main. Il pourrait enfin venger sa sœur et toutes les victimes de cette entité terrifiante.
En réalité, il ignorait où ses pieds le menaient. A l’immédiat, il n’y avait aucune réunion de prévue et il n’avait pas envie de se saouler de bon matin. Puis, il n’était pas encore accroc à devoir transporter une bouteille de porto ou de whiskey partout où il allait. Enfin, le jeune homme gardait toujours une goutte sur lui – on ne savait jamais, les meilleures occasions surviennent sans prévenir.
Néanmoins, il avait pris la sage décision de mûrir un peu – bien qu’au fond de lui, Mickey estimait qu’il avait assez grandi dans sa tête – et d’agir après réflexion. Et cette pensée faisait directement référence au jour où il s’était dérobé face à Saskia. Ils auraient dû s’expliquer, oui, ils auraient dû, mais leurs retrouvailles étaient tombées au mauvais moment. S’il avait l’occasion de la revoir encore une fois, il tenterait de clarifier clairement les choses sans s’échapper en bredouillant une excuse minable ou en l’ignorant royalement.
Cependant, Mickey ignorait qu’il la croiserait aussi tôt. En effet, ils étaient seulement au lendemain de la réunion organisée dans le Centre commercial désaffecté et déjà elle se présentait devant lui. Peut-être en colère ? Ou, mélancolique ? Mickey n’avait même pas osé la regarder la veille. Lui qui l’avait si bien connu, qui connaissait toutes ses humeurs et ses envies, se retrouvait aveugle à présent. Il se sentait sourd, handicapé, impossible à faire réagir. Et pourtant, il ne pouvait pas passer son chemin comme si ils ne se connaissaient pas. Pas encore une fois.


Salut…


Il n’osait à peine croiser son regard, qui était redevenu rouge sang.


Je… Je… je suis désolé.


Le jeune homme se pinça les lèvres. Poussées masochistes ? Mickey s'attendait à ce que Saskia le plaque violemment au mur et se défoule sur lui jusqu'à qu'il ne puisse plus entrouvrir une paupière. Cela lui ferait peut-être du bien et lui remettrait les pendules à l'heure. Puis, ça lui rappelerait qu'il avait assez déconné et qu'il fallait qu'il se ressaisisse.
Néanmoins, il aurait tout donné pour pouvoir se cacher dix milles lieux sous Terre.

Après la réunion, Saskia n’avait pu faire autres choses que de vaquer à ses occupations vampiriques et pour une raison qu’elle-même ignore, elle s’était retrouver face à face avec les rayons du soleil qui était déjà bien présent depuis surement quelques heures. Un haussement d’épaule elle se mit à marcher dans une allée sombre ou était situé plusieurs commerces magiques, Saskia se couvrit la tête grâce à son vêtement afin de ne pas trop attiré le regard des humains et elle garde le regard vers le sol masquant ainsi ses yeux rouges sang qui attirerait rapidement l’attention. Le soleil arrivait jusqu’à elle, mais d’une façon indirect et bien que la jeune femme détestait cette sensation, elle savait qu’elle aurait le temps de se rendre jusqu’à son appartement avant qu’elle ne brule. Cette mascarade sembla avoir l’effet escompté puisqu’elle ne vit que quelques regards se tourner vers elle. De temps à autres, elle levait les yeux afin de voir où elle s’en allait, maudissant le fait de ne pas avoir de lunette de soleil avec elle, c’est ainsi qu’elle le remarqua qui approchait dans le sens inverse.

La dernière fois qu’elle l’avait vu, leur rencontre s’était terminer aussi rapidement qu’elle avait débuté. Il ne lui avait pratiquement pas adressé la parole et s’était contenter de partir et au plus profond d’elle-même, Saskia savait qu’elle ne pouvait pas lui en vouloir, pas après ce qu’elle lui avait fait subir. Si au moins elle aurait pu le voir lorsqu’elle avait encore son âme, elle aurait pu régler se problème puisqu’elle aurait été en mesure de voir la situation de la même façon que lui la voyait. Mais elle était de nouveau immortel et ne pouvait réellement comprendre la situation.

« Bonjour Mickey »

Il s’excusa et Saskia ne put même pas lui répondre. Elle savait très bien qu’il n’avait aucun raison de s’excuser et que s’était plutôt à elle de le faire. Elle se contente de lui adresser un léger sourire, chose qui était assez rare et elle espérait ainsi qu’il comprendrait qu’elle ne lui en voulait pas d’être partit si rapidement il y a quelques temps. Elle ne put rien dire, espérant que lui parlerait et qu’elle pourrait comprendre malgré sa froideur immortelle.

« Comment vas-tu ? »

Saskia se tassa de quelques centimètres d’où elle était placée afin de s’accoter contre un mur faisant ainsi diminuer le nombre de rayon qui la touchait. Elle était maintenant complètement à l’ombre et ainsi la discussion serait plus confortable.

Salut…
Je… Je… je suis désolé.


Il y eut un court silence. Mickey semblait réfléchir à une suite à ses paroles, tandis que Saskia restait de marbre. Etait-elle en colère ? Ébranlée ? Aucune émotion ne paraissait traverser son visage parfait. Le jeune homme imaginait que c’était dû au retour des pouvoirs d’immortel chez la vampire. Néanmoins, il aurait peut-être préféré tenir cette discussion quand elle était encore humaine. Non. Non mais à quoi pensait-il ? Il y avait deux minutes, il était heureux que tout soit redevenu à la normale – en oubliant le Spirit – et à présent, il regrettait. Enfin, en réalité, plus rien n’allait. Peut-être pas dans le monde, mais lui, il ne marchait plus droit.
Il soupira, puis se massa doucement le front, ennuyé.


Comment vas-tu ?


Cette question le déstabilisa. Pardon ? Était-ce réellement ce qu’il avait entendu ? « Comment vas-tu ? » N’était-elle donc pas énervée contre lui ? Il n’arrivait plus à suivre sa propre vie et toutes ses relations.


Je… Je vais bien… Si le terme « bien » peut encore être prononcé en ces temps, répondit-il avec un haussement de sourcils, démontrant son étonnement. Il eut un petit sourire timide. Et… Et toi ?

Crotte. Pourquoi bafouillait-il ? Il était déstabilisé, et semblait au bord d’un gouffre dont il n’apercevait pas le fond. Mais en voyant Saskia se décaler à l’ombre, il reprit rapidement ses esprits. Il fallait bouger loin de ces rayons de soleil, bien que l’astre du jour ne pouvait quasiment rien contre les vampires, à part révéler une peau impeccable et laiteuse et à faire briller encore plus leurs yeux redevenus rouges sang.


Tu veux qu’on aille autre part ? Qu’on entre dans une boutique désaffectée ? Ah moins que tu sois pressée… ?


Son ton était hésitant, néanmoins, quiconque l’écouterait y décèlerait beaucoup d’inquiétude.

Obligée. Oui, elle devait se sentir obligée. Obligée de ressortir ses sentiments, d’utiliser un ton faux pour tenter de lui faire comprendre ce qu’elle ressentait, son visage restant de marbre. Il devinait son envie de lui faire réaliser qu’elle n’était pas si insensible, mais Mickey le savait déjà. Après tout ce qu’ils avaient vécu ensemble, le jeune homme savait assez de Saskia pour facilement imaginer quelle voix la vampire emploierait si elle était encore humaine. Mais il était touché qu’elle fasse des efforts.


Je vais bien également.


Mickey voulait la croire. Elle était redevenue vampire. Etre humaine devait être éprouvant lorsqu’on avait demeuré tant de temps au statut d’Eternel. Retrouver tous les avantages d’être une vampire, ainsi que les incommodités, cela devait faire du bien. C’était comme se remettre d’une mauvaise grippe ayant duré trop longtemps. Et Mickey désirait se contenter de la réponse de Saskia, sans tenter d’aller chercher plus profondément et y trouver une vérité beaucoup moins réjouissante. Il ne voulait pas gâcher ce nouvel enthousiasme qu’il avait très récemment eu en comprenant trop.


Tu veux qu’on aille autre part ? Qu’on entre dans une boutique désaffectée ? Ah moins que tu sois pressée… ?
Tu n’as qu’à me suivre.


Ils entrèrent rapidement dans un commerce vide. Les fenêtres étaient condamnées, mais la porte d’entrée avait été brusquée, sans pour autant avoir été détruite. Mickey regarda autours de lui en pénétrant dans la pièce. Quelques tables rangées sur le côté, des débris et des feuilles froissées qui trainaient ça et là, un comptoir depuis trop longtemps inutilisé. Seulement quelques rayons, très minces, pouvaient s’introduire. De la mousse verdâtre commençait à s’installer sur certains endroits des murs en chaux, le plafond avait été démuni de son lustre, les chaises avaient disparu.


Aller. C’est le moment de tout déballer. Dis-moi ce que tu me reproches exactement.


Mickey fut prit de court. Il ne savait que répondre. En réalité, il s’en voulait à lui-même. Pourquoi ? Il ne saurait l’expliquer. C’était vrai que la dernière fois, Saskia avait disparu sans un mot, ce qui l’avait rendu trop vulnérable, à force de la chercher et de demander à tous les passants d’une petite rue si ils l’avaient aperçue.


Je ne sais pas… Je ne sais plus. Je pense que c’était le fait que tu sois partie, comme ça, sans prévenir personne. Et que tu sois réapparue l’autre jour, au cimetière, comme si rien n’était. Non… Ce n’est pas réellement ça. C’est… C’est le fait que tu aies tant d’emprise sur moi, que tu sois le seul pilier sur lequel je peux éventuellement m’appuyer aujourd’hui… Que je sois devenu si fragile sous ton aile… En réalité, je me reprochais à moi-même d’être faible comme ça, et je te blâmais de choses qui devraient normalement s’adresser à moi… Et, c’est d’abord de ça que je m’excuse.


Il avala sa salive, lentement. Sa pomme d’Adam tressauta doucement durant une dizaine de millièmes de seconde, signe qu’il était confus, mais qu’il ne racontait aucun mensonge. Saskia pouvait le comprendre. Elle devait.


Je… J’avais tellement peur pour toi. A ce moment-là, peut-être que j’avais surtout peur pour moi. Je te reproche de m’avoir transformé en quelqu’un d’égoïste, alors que je m’étais promis de ne plus l’être, pour éviter de créer de nouveaux drames. Et voilà que des évènements tragiques se créent, du à mon égo, que j’ai trop lustré depuis sa mort.


Ici, Mickey insinuait la mort de sa sœur. Son cœur se déchira. Il se sentait nauséeux, et ne tenait plus sur ses jambes. Agathe…


Je ne t’accuse en vérité de rien Saskia. Je ne veux pas que tu te sentes coupable de quoi que ce soit. C’est à moi qu’il faut tout reprocher. Excuse-moi.


Un sanglot fit vaciller la voix de Mickey, qui n’essaya aucunement de le cacher, sachant très bien que Saskia l’entendrait, d’une façon ou d’une autre. Il passa sa main devant son visage. C’était bien ça, cette partie de lui, qu’il haïssait autant. Il aurait du être fort et courageux, mais il n’arrivait pas à se relever. Il croyait que les images d’Agathe morte ne le hanteraient plus à son retour à Londres, mais il avait tort. Et seule Saskia avait le pouvoir de calmer ces cauchemars. Seulement elle.

Saskia ignorait comment il allait réagir face à la question qu'elle venait tout juste de lui poser. Peut-être la verrait-il d'un mauvais oeil et qu'il ne prendrait même pas le temps de répondre et la laisserait en plan. Où bien est-ce qu'il lui mentirait et dirait que tout va bien et qu'il n'y a rien qu'il ne lui a pas déjà dit par rapport à ses sentiments. Ou finalement, ce qu'il fit, il lui dévoila ce qu'il pensait réellement. Saskia était satisfaite d'ailleurs qu'il ait choisit de tout lui dire, elle essaya de paraitre chaleureuse, chose qui ne fonctionna surement pas et écouta attentivement ce qu'il avait à dire. Sa vision des choses la surpris, preuve que l'humanité était un mystère lorsque ses crocs apparaissaient, elle n'aurait jamais cru qu'il voyait les choses de cette façon. Elle était frappée de voir qu'elle comptait autant à ses yeux, elle ne sut quoi lui répondre et sa surprise augmenta lorsqu'il lui dit qu'il s'excusait. Saskia savait qu'il n'avait rien à se reprocher, mais elle ne voulut pas l'interrompre, se contenta de le regarder.

Saskia remarquait chaque détail dans l'attitude de Mickey, elle ne supportait pas de le voir ainsi et se sentait presque coupable de lui avoir posé cette question qui semblait le mettre à l'envers. Elle voulut s'avancer vers lui, mais arrêta immédiatement son geste lorsqu'elle vit qu'il s'apprêtait à continuer. Il lui dit qu'il lui reprochait de l'avoir rendu égoïste et Saskia ne sut même pas comment réagir, elle ignorait même l'avoir rendu ainsi. Quoi qu'en y repensant, ils avaient passé tellement de temps ensemble avant qu'elle. L'entendre parler de la mort de sa soeur lui fit quelque chose, s'était sans aucun doute pour cela qu'il s'était autant rapprochés, tous les deux vivaient un grand deuil et dû à cela leur attachement s'était fait naturellementet même si Saskia voyait les choses d'une autre façon dû à son vampirisme, Mickey était tout de même parmi les personnes les plus importantes à ses yeux. Saskia essayait de s'imaginer sans sa soeur, Irina et le seul fait d'y penser brisait son coeur de pierre... alors que Mickey lui avait vécu la même chose avec son coeur d'humain.

Mickey semblait confus, il lui dit qu'il ne l'accusait de rien et Saskia le croyait. Mais elle ne pouvait pas lui accorder que tout était de sa faute à lui, c'était faux, il avait une multitude de choses à lui reprocher, mais il ne le faisait pas et au contraire il s'excusait. Saskia ne voulait pas le voir se sentir coupable, rien n'était de sa faute. Elle s'approcha de lui et le serra contre sa peau froide, elle détestait le voir triste. Elle-même qui avait passé tant de temps à se morfondre de la mort de celui qu'elle avait aimé, elle détestait voir Mickey dans un étant similaire. Le serrant contre elle, elle lui répondit.

« Mickey, ne dit pas que tout est de ta faute. Tu n'as absolument rien à te reprocher, c'est moi qui est commit des tas de bêtises et qui t'ai fait subir tout cela et je te demande pardon. Mon coeur d'humaine est bien loin dernière et mes crocs me font voir les choses d'une façon bien différente à la tienne. Tu n'as pas à t'excuser Mickey... »

Saskia ne rajouta rien, préférant attendre la réaction de Mickey, afin d'être certaine que tout ce qu'il avait sur le coeur était sorti. La vampire avait beau ne pas se rappeler de beaucoup de choses de l'humanité, elle se souvenait à qu'elle point cela faisait du bien de dire ce à quoi on pensait et de toute évidence Mickey en avait besoin. Elle devait reprendre le temps qu'elle avait passé loin de lui, elle se sentait de plus en plus coupable de l'avoir laissé seul, lui qui était déjà entouré de tant de malheur et de tristesse, elle aurait dû rester là, pour lui.