Assise dans le noir, une jeune femme restait immobile. Seule le bruit de sa respiration, le mouvement du haut de son corps et la couleur de ses yeux prouvaient qu'elle était humaine. Une chose qui commençait peu à peu à disparaître apparemment. Elle était sur le sol froid, le dos contre un mur, fixant une porte. Elle servait de nounou maintenant. De nounou à un envouté. Pas n'importe quel envouté cependant. Il s'agissait de son frère. Voilà presque une semaine qu'il s'était fait prendre par le Spirit. Avant ça, elle ne s'était pas sentie très concernée par ce qui arrivait à l'extérieur. Ses parents, toujours sur leurs gardes, avaient essayé de protéger leur famille contre ça, sans savoir ce que c'était réellement. Seulement, son frère n'écoutait pas grand chose ; problème d'arrogance. Il avait tenté d'attaquer sa sœur, ou plutôt le Spirit avait tenté de l'attaquer. Elle passa de justesse. Depuis, ils l'avaient enfermé, cherchant un moyen d'annuler tout ça. Ils avaient entamé des recherches. D'après des ce qui se disait, les éternels pouvaient les aider. Depuis, ses parents sont en chasse pendant que la jeune fille joue à la baby sister. Rien de plus ennuyant et de déprimant. Elle devait supporter les crises de son frère et ça lui fendait le cœur. Pendant des jours, il entrait dans une colère noire et essayait de s'échapper. Parfois le calme revenait. Parfois, même son frère revenait, mais pendant de très court instants. La lumière s'alluma, elle plissa les yeux, distinguant les silhouettes de ses parents, entrants dans la pièce. Ils la cherchèrent du regard puis sa mère haussa un sourcil en découvrant sa fille par terre. « Du nouveau avec Dwayne ? » Elle resta silencieuse, pourtant bien consciente que ce genre de silence pouvait faire sortir sa mère de ses gonds. Elle se contenta de lever les yeux au ciel et de lui lancer un regard amer. Du nouveau de ton fils ou de la chose à l'intérieur de lui ? Pensait-elle. Elle garda cette phrase pour elle. Si elle aurait parlé, elle se serait fait passer un savon et ce dont elle avait le plus envie à ce moment là, c'était rien que du calme. Elle était retournée à son immobilité quand un mouvement imprévu se passa. Son père s'était avancé l'air menaçant, mais sa mère l'avait retenu par le bras. Mona était interloquée. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il se passait. Elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions. Elle n'avait pas remarqué que tout était redevenu calme, son frère avait arrêté de bouger à l'intérieur de sa prison.

« Mona ? »

Ça devait être la soirée des bizarreries. La voix de son frère avait retentit mais elle était différente de ce qu'elle avait entendu ces derniers jours. Elle se leva, tituba jusqu'à la porte et s'y colla.

« Dwayne ? » Sa voix était enrouée par ces heures de silence. Elle posa une main sur la poignée, tentée de l'ouvrir, mais se retint. « Dwayne, c'est vraiment toi ? » Elle ne pouvait que se contenter de poser la question. Elle n'avait pas d'autre moyen pour vérifier que de poser directement la question. Mais elle savait que même si la réponse était positive, elle devait rester méfiante. « Désolé de te faire subir ça. Je suis pas assez fort. » Il avait parlé d'une voix précipité, comme s'il s'attendait à ce que le Spirit revienne d'un moment à un autre. Ce qui allait arriver de toute façon. Puis il continua : « Ne reste pas ici, va-t-en. Cache toi … » Ces dernières paroles avaient été murmurées à un point qu'elle même avait eu du mal à l'entendre. Il avait l'air à bout de force, la fatigue se sentait dans sa voix. Il luttait contre le Spirit. « Dwayne ? » Dans sa voix se mêlait l'espoir, la peur, l'anxiété. Il n'avait pas pu autant parler avec ce truc dans son corps, mais à l'instant, il avait eut l'air d'avoir le total contrôle de soi. Mais sa voix revint, changée. Plus dure, avec un soupçon de sarcasme. « Laisse tomber, ton frère est trop faible. C'était sa façon de faire ses adieux. »

Elle n'avait aucune idée l'authenticité de ce qui venait de se passer. Si cela se pouvait, depuis le début son frère n'avait plus été là et le Spirit était en train de s'amuser avec les nerfs de la famille. Ou alors son frère venait vraiment de lui parler et ce, pour la dernière fois. Elle se releva d'un geste vif et se heurta à son père. Elle ne l'avait pas entendu s'approcher. Elle se retourna vers lui et retint un cri. Ses yeux. Ils avaient la même couleur argenté que son frère. D'un air affolé, elle chercha le regard de sa mère. Pareil. Elle se dégagea de son père qui avait posé une main ferme sur son épaule et s'enfuit. Ce fut la dernière fois qu'elle vit sa famille.

* * *

Trois jours s'étaient passés depuis cette nuit là. Elle allait et venait un peu partout, sans avoir de but précis. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait, elle n'avait plus rien. Elle évitait les lieu avec trop d'envoutés, mais elle évitait aussi de se retrouver dans un endroit où elle aurait pu se faire attaquée. En clair, elle n'était jamais à l'abri. Elle n'avait même plus envie de rester ici, si c'était pour vivre comme ça jusqu'à la fin de sa vie.

« Mademoiselle ? Nous allons fermer. »

Le gérant l'avait sortie de ses sombres pensées. Elle se leva, paya et quitta l'établissement sans oser croiser un seul regard. Plus longtemps elle évitait de faire remarquer qu'elle était encore '' normale '', plus longtemps elle survivrait. Elle s'engagea dans une rue, vide. Le seul lampadaire clignotait, restant plus longtemps éteint qu'allumé, ce qui stressait un peu Mona. Elle évitait aussi de se retrouver dans des situations comme celles ci. Deux jours auparavant, elle et une fille un peu plus jeune qu'elle ( humaine aussi ) s'était rencontrées. Deux jours après s'être perdues de vue, elle la vit, de loin. Quand elle s'était approchée, elle avait remarqué cette lueur argentée. Elle avait remarqué dans les rues qu'il commençait à y avoir plus d'envoutés que d'humains. En même temps, elle avait le chic pour aller là où il ne fallait pas. Comme cette nuit. Ses pas résonnaient et c'était le seul bruit qu'elle entendait. Pas très rassurant. Cependant, elle s'arrêta net en découvrant une personne juste en face d'elle. Son pouls eu un raté. Elle allait se trahir si elle faisait demi tour. Mais elle ne savait pas encore de quoi les envoutés était capable, et c'était le plus effrayant dans l'histoire. Elle s'avança, d'un pas plus lent, moins confiant. Elle était à quelques mètres de la personne, qui n'avait toujours pas bougé. Elle le sentait mal. Elle continua à avancer, elle allait arriver à une rue bondée et elle n'aurait plus à stresser. Ou elle n'y arriverait jamais d'elle même. Elle était à un mètre de la personne et elle ne la regardait toujours pas en face. « Tu es une humaine. » Ce n'était pas une question, juste une constatation. Sans lever les yeux vers lui, elle répliqua en essayant de paraître convaincante : « Je ne crois pas, non. » Elle s'en voulu intérieurement de la bêtise qu'elle constituait en elle même. Elle n'avait aucune idée du comportement des envoutés, c'était une mauvaise idée de se faire passer pour une des leurs. Elle fit un pas en avant mais fut tirée en arrière, par le bras. Elle eut l'impression qu'il lui avait presque déboité l'épaule, avec la force qu'il venait d'employer. « Oh ? Alors je vais surement devoir te tuer. » Elle essayait de se dégager de sa poigne, mais il était fort. Trop fort pour elle. Elle leva enfin ses yeux. « Tu n'es … » Rouge. Ses yeux, ils étaient rouges. Elle écarquilla les yeux. Elle était au courant de cette traque aux vampires. Ses parents eux-mêmes en avaient traqué pour pouvoir sauver leur fils. Enfin, il lâcha son bras.

« T'es pas au courant que ta race est traquée ? »
« T'es pas au courant que t'es pas plus en sécurité que moi ? », lança-t-il d'un air moqueur. Puis il ajouta : « Qu'est ce que tu fais ici ? » Sa question voulait plutôt demander ce qu'elle faisait encore à Londres. Elle même se le demandait. Elle avait pensé à quitter le pays, mais bizarrement, elle n'avait pensé à cette solution qu'en coup de vent. Elle haussa les épaules.

Il lui attrapa le bras, cette fois en étant moins brusque et l'emmena. « Où m'emmènes-tu ? ». Sa question avait été dénuée de sentiments, comme si elle lui avait demandé à quel parfum il voulait sa glace. Elle n'avait même pas peur, alors qu'il était un buveur de sang, une créature qui se nourrit de sang humain. Ou se nourrissait. Il fallait prendre en compte le traitement. Peut-être était-ce pour cela qu'elle n'avait pas paniqué. Il ne lui avait pas répondu, se contentant de l'emmener quelque part. Plus tard, ils arrivèrent dans un endroit reculé de Londres. A un bâtiment n'ayant pas l'air de servir. Il lâcha son bras, ravivant une douleur à la jeune fille. Elle allait être marquée. Il entra, la laissant en plan. Devait-elle entrer ? L'agacement l'avait gagné face au comportement du vampire. Elle entra et le retrouva au second étage. Il la fixa.

« Tu peux rester ici, tu es en sécurité. »
« Je n'ai rien demandé … » Elle lui avait tourné le dos, laissant son regard se balader sur la pièce. Puis elle lui refit face et lança : « Je ne sais même pas si je peux te faire confiance, on ne se connait même pas. Et puis pourquoi est ce que tu m'aides ? »

A peine eut-elle fini sa phrase qu'il apparut à quelques centimètres d'elle. Elle cligna des yeux, surprise. Elle n'avait jamais eu affaire à un éternel avant aujourd'hui. Il lui fit un sourire sans joie, laissant ainsi découvrir ses canines. Tout à coup il eu l'air dangereux. « Tu préfères mourir ? » Il recula un peu son visage, son sourire disparut de son visage. Il prit un air sérieux. « J'aurais dû le laisser faire alors. Le pauvre, il avait l'air de te suivre depuis quelques jours déjà … » Face à la mine étonnée de Mona, il ajouta. « Ah ? Je ne t'ai pas dit ? Tu étais suivie par un envouté. Je m'en suis débarrassé. Pas trop triste, j'espère ? »

Elle resta silencieuse. Elle ne supportait pas son comportement, pourtant, elle lui était reconnaissante, au fond. Elle marmonna un merci et se détourna, faisant mine d'inspecter la pièce pour éviter de le regarder. Comme personne ne parlait, il prit la parole, brisant ce silence.

« Tu peux vivre ici aussi longtemps que tu veux. Je sais que ce n'est pas la maison des rêves, mais aucun envouté ne met les pieds ici. Je reviendrais de temps en temps. »
« Où vas-tu ? »
« Tu verras, bientôt tu pourras peut-être y aller aussi. Si tu te montres digne de confiance et que tu ne cherches pas à avoir du sang de vampire pour pouvoir sauver ta petite famille. »
Paf ! « Atchoum ! » Dans la surprise, elle avait refermé le livre poussiéreux qu'elle regardait. Elle ne lui avait rien dit sur elle ou sa famille. Comme si c'était naturel de savoir tout ça, il leva les yeux au ciel face à sa réaction. Il lui donna encore quelques instructions et la laissa là. Finalement, elle allait vivre un peu plus longtemps qu'elle ne l'avait pensé.