Enfin. L’épisode Thétis était enfin clos.
D’une remarquable beauté, elle n’avait pas tardé à créer des dissensions auprès des dieux masculins. Zeus et Poséidon se disputèrent ses faveurs jusqu’à ce qu’ils apprennent par un oracle que le fils de la divinité marine deviendrait plus puissant que son père. Zeus, le roi des dieux, celui qui avait lui-même détrôné son père et plaisait à régenter le panthéon divin d’une main de fer, n’avait pas la moindre attention de laisser l’histoire se répéter. Quant à Poséidon, nul n’ignorait son ambition dévorante consistant à détrôner son frère cadet du trône olympien. Il n’avait pas la moindre attention de partager un pouvoir qu’il convoitait. Il avait déjà du mal à se satisfaire de ce qu’il possédait. C’est à l’occasion du banquet mis en place pour son mariage avec Pelée, roi de Phtie, qu’une tragédie, qui allait secouer le monde grec et plus particulièrement martyriser les mortels, se mit en place.
Le banquet est à son comble. Les jeunes époux, réellement épris l'un de l'autre, respirent le bonheur. Et la joie est au rendez-vous, notamment grâce aux élixirs apportés via les bons soins du dieu de l'ivresse, Dionysos. Pour ne pas déroger à la règle et entre deux jeunes femmes dénudées, ce dernier s'occupe selon sa propre conception de la fête. Mais alors que l'Olympe entier a été convié, une seule déesse n'est pas de la noce. Furieuse de ne pas avoir été invitée, la sombre et vile Eris, déesse de la discorde, jette une pomme d'or portant l'inscription
« pour la plus belle ». Aussitôt la déesse de l'Amour, Aphodite se lève pour la saisir. C'est logique après tout dès lors qu'on est également déesse de la beauté. Mais Héra et Athéna ne l'entendent pas de cette oreille et revendiquent aussitôt la pomme à leur bénéfice.
Rusé et conciliateur, Hermès est dépéché afin de mettre rapidement fin à la dispute en désignant un arbitre neutre et impartial. Le choix se porte sur le modeste berger Pâris. Lorsqu'il voit apparaître ces trois déesses, descendues droit de l'Olympe, il semble dans un premier temps perdu. Cela n'a rien d'étonnant pour les divinités dont le rayonnement et la splendeur aveuglent, paralysent, choquent les simples mortels auxquels elles apparaissent. Mais il doit vite se reprendre et très vite, il réalise que la tâche qu'il doit accomplir n'a rien d'aisé. Quelque soit sa décision, il devra faire face à la fureur tenace des deux perdantes. Les dieux de l'Olympe ne sont pas connus pour leur miséricordieux pardon. Alors, il leur demande la faveur qu'elles pourront lui accorder si jamais il devait la choisir.
C'est alors que la somptueuse Aphrodite lui fait une offre qu'il ne peut refuser. S'il la choisit, il obtiendra l'amour de la plus belle femme de Grèce. Son jugement n'attendit pas une minute de plus. Il venait d'obtenir la bénédiction d'une déesse et l'amour d'une mortelle. Mais il allait entraîner le monde grec dans le chaos et la haine pour les dix années à venir. D'une simple pomme, d'une simple décision superficielle, les dieux pouvaient en faire une lutte funeste à des milliers de grecs. Il n'était pas de bon ton de provoquer leur courroux, alors ...
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« On doit descendre. »
« Il en est hors de question ! »La voix grave et dure qui venait de se faire entendre n'était autre que celle de Poséidon. Le terrible dieu des océans n'avait pas la moindre intention de céder une once de son pouvoir. Sans doute et si on mettait de côté l'ambitieuse et majestueuse Héra, il était celui qui acceptait le moins la perte de foi de l'humanité. Pourtant, c'était une donnée non négligeable et s'ils avaient pendant longtemps fait la sourde oreille, jouer de faux semblants, ils ne pouvaient nier la vérité plus longtemps. Chaque jour qui passait voyait leur pouvoir s'étioler. Ils prédestinaient de moins en moins aux avenirs humains. Ce n'était pourtant pas faute d'affirmer leur puissance. Il ne se passait pas une semaine sans qu'une catastrophe naturelle, sans qu'une guerre, sans qu'une sécheresse ne vienne frapper les simples mortels. Témoignage de la colère des dieux devant leur recul. Ils avaient surtout peur. Une peur indissoluble de l'avancée des choses. Cela faisait tellement longtemps. Ils étaient habitués à tout régenter et surtout à être honoré par leurs vassaux. Et voilà que Zeus proposait de descendre de leur piédestal ? Jamais de l'éternité !
« Il ne faut pas oublier qui nous sommes. »
« Mais eux le font. Il faut faire avec et tout recommencer à zéro. »Une fois de plus les deux dieux belliqueux de la guerre s'opposaient. Comme s'il leur était moralement impossible de parvenir à un terrain d'accord. Pourtant, être du même avis qu'Arès aurait permis à Athéna de ne pas tenir la même position que son ennemi de toujours. Mais il ait de ces habitudes qu'on ne change pas. Et en haut, on s'habitue vite. On n'est pas près non plus à s'avouer vaincu. Ce sont eux qui remportent toutes les batailles après tout. Depuis la nuit des temps. Si cela n'avait pas été le cas, ils ne seraient même pas là pour en parler. Seulement, cette bataille-ci est perdue d'avance s'ils restent sur leur position. Certains n'ont aucun problème pour descendre - ou pour monter comme le fait amèrement constater le dieu des enfers. Hermès, Dionysos ou Hestia sont déjà en contact quasi permanent avec les humains. Cela leur éviterait de devoir faire la navette. Mais la majorité refuse de céder une once de terrain. Une telle dégradation dans leur statut les tuerait.
« De toute manière, si nous restons, nous mourrons également ... »
« ... la meilleure solution est de descendre pour mieux remonter par la suite. »Le silence suit la déclaration des jumeaux divins. Ils ont toujours cette fâcheuse tendance à finir les phrases de l'autre. Mais en trois milles ans d'existence, on finit par s'y habituer. Chacun médite ces affirmations. Ils ne se trompent malheureusement pas et Zeus ne permettra pas que l'obstination de certains conduise à l'anéantissement total du panthéon divin. Ils en ont déjà tant perdu parmi eux. Les 14 doivent rester envers et contre tous.
« Dès lors que nous poserons les pieds sur Terre, nous perdrons de nos pouvoirs. Nous deviendrons mortels. »
« Comment faire alors ? »
« Nous nous réincarnerons jusqu'à ce que la foi revienne, jusqu'à ce que nous gagnons à nouveau le coeur des mortels. »
« En prenant le risque de finir par s'éteindre ?! »
« C'est un risque non négligeable. Mais c'est la seule solution. » __________
Entités crées de toute pièce par l'esprit humain, les dieux ont traversé les siècles portés par la foi des croyants. Cependant, le temps s'écoulant, les mœurs changeant, les dieux ont perdu leur monopole, devant de plus en faire face à des personnes n'ayant plus la foi. C'est ainsi que leur âme divine s'éteignit petit à petit, et que pour survivre, ils durent se contenter d'une vie mortelle, bien loin de leur paradis. Ne cessant de traverser les temps en se réincarnant, les dieux vivent encore, se mêlant aux véritables mortels. Aujourd'hui, nous sommes en 2009, les Dieux sont toujours là mais très affaiblis. Ils vivent leur petite vie de mortels après une ultime réincarnation et se sont retrouvés, pour cette fois, dans l'archipel de Santorin, ne se réincarnant jamais trop loin les uns des autres. Une partie de leur descendance s'est aussi réincarné mais ces derniers, contrairement à leur divins parents, n'ont pas vraiment de souvenirs de leurs vies passées, à part quelques ressentis, et ne peuvent reconnaître les autres réincarnés.
N'ayant plus la même influence qu'auparavant, les dieux n'aspirent qu'à une chose : la retrouver.