La nuit était noire, et la lune, seule, éclairait la ruelle dans laquelle je marchais. Aucun lampadaire, aucune maison volets ouverts. Elle était la seule source de lumière, et mon seul guide. De temps à autre, des nuages passaient devant elle, et je me retrouvais dans la nuit. Il faisait froid, et je sentais les quelques poils se trouvant sur mes bras se dresser. Mais je n’avais pas peur. Je n’avais plus peur. Il fut un temps où je m’étais retirée dans un appartement, pour ne plus en sortir. La seule pensée des canines des vampires sur ma nuque m’avait glacé le sang, au point de m’obliger à rester cloîtrer. La mort m’effrayait, et même si encore aujourd’hui, je ne veux pas penser à la fin de mon existence, j’ai décidé d’affronter le monde actuel, et les créatures qui y vivent. Mon odeur les fascine, et les attire tous comme des aimants vers moi. Et si autrefois, la crainte qu'ils me tuent par instinct prenait possession de mes pensées, aujourd'hui, je ne pourrais m'imaginer sans les vampires. En leur vendant mon hémoglobine, c'est comme si j'avais signé un pacte avec eux, un pacte avec le diable. Je me sentais forte, entourée d’eux. Je me sentais forte de me sentir nécessaire à leur yeux. Mon courage les rendait admiratifs, je le sentais. Les regards qu’ils portent sur moi sont la preuve qu’ils seront inoffensif en ma présence. Aucun n’oserait me tuer. J’étais leur drogue, ou plutôt mon sang l’était. Ils ont besoin de moi, tout comme j’ai besoin d’eux. Je suis leur petite protégée, et je sais que ce statut est une chance inouïe pour moi. Pour une fois dans ma vie, je me sentais entourée d’une famille. Née sous X, je n’ai jamais connu mes parents, mais je n’ai pas cherché non plus à les retrouver. Je suis tellement mieux seule. La déception ne fait plus partie de ma vie, et je sais qu’en présence de mes amis les vampires, je suis heureuse. Heureuse d’être forte. Ce soir là donc, j’attendais l’un d’eux, au croisement de deux ruelles, plus sombres et plus désertes l’une que l’autre. Ils ne venaient jamais chez moi, je n’aimais pas ça. J’éprouvais ce besoin de mettre une distance entre ma vie privée et ma vie professionnelle, si on peut appeler ça ainsi. Après tout, cette vente d’hémoglobine était mon seul revenu. Je suis jeune, je n’ai encore pas trouvé ma voie, et par les temps qui courent actuellement, je ne suis pas sûre de le faire un jour. Je n’en ai pas besoin. Ce marché est très rentable. J’avais risqué ma vie en tentant tout ceci il y a quelques temps déjà, mais je ne regrettais aucunement. J’offrais mon corps. Je n’étais pas une de ces filles de trottoir, j’offrais mon corps avec une dignité que n’avait plus ces jeunes filles. J’étais fière de mon idée. Vraiment. Avançant lentement jusqu’au fameux point de rendez-vous, je ne pus m’empêcher de scruter l’endroit, un peu craintive. Je n’avais jamais aimé la nuit. Petite, je faisais énormément de cauchemars, si bien qu’encore aujourd’hui, j’associais cette période de la journée à la peur, la crainte. Car oui, j’avais beau paraître forte et dangereuse –j’ai encore du mal à me définir sous ce terme, mais que voulez-vous, je me contente de me répéter qu’il s’agit de l’allure, de l’attitude que je donne aux gens-, je n’en restais pas moins une jeune femme émotive et sensible. J’avais beau faire la fière, lorsqu’un vampire s’approchait de moi, la possibilité que son instinct animal prenne le dessus sur sa raison était toujours présente. On ne changeait pas un être plein d’envies d’un claquement de doigt. Mais j’avais appris à leur confiance néanmoins, et je ne pense pas m’être trompée. Je suis certaines fois bien naïve, je ne m’en cache pas, mais cette décision a été mûrement réfléchie. Je m’appuyais contre un mur en briques, cachant à la vue de tous une vielle bâtisse. J’attendis, dans le froid, mon rendez vous. Il n’était jamais en retard. Très vite d’ailleurs, je sentis l’atmosphère autour de moi changer. C’était toujours ce que je ressentais lorsqu’un vampire approchait, c’était une sensation bizarre que j’avais appris à maîtriser au fond de moi. Je me redressa, scrutant l’horizon. Il était là, se tenant droit à quelques mètres de moi. Je m’avançais, relevant la tête pour me sentir grande, mais surtout forte. Il me salua d’un sourire, dévoilant ses fameuses canines qui faisaient tant peur aux villageois. Je lui rendis. Lorsque j’étais face à un vampire, mes peurs s’envolaient vite, ce qui me surprenait toujours. Je sentais ce regard protecteur sur moi, et cela me rassurait pleinement. Je sortis de sous mon manteau une poche pleine de mon sang. Je lui tendis. Ce soir là, nous nous échangeons aucune parole, nos seuls regards traduisant nos pensées.

Evelyn Carter Manwood a écrit:

Merci à vous deux

Sayanel, justement Psyché m'a dit que j'aurais sans doute un lien avec toi