Deux heures. Voilà deux heures que la sorcière était assise dans son bain, jadis mousseux. Mais à travers les heures, les mousses ont su l’abandonner. Douces traitresses. Allongée ainsi dans son bain, certes, sans mousses, elle fixe le robinet d’un air absent, comme si quelque chose la tracassait, comme si quelque chose de plus important lui possédait les pensées. Pensées voyageuses entre ici… Et là. De son pied, grâce à ses orteils, elle ouvre le robinet, laissant couler de l’eau chaude qui vient adoucir ces frissons qui se sont élevés à la surface de son corps frêle. À quoi peut-elle bien penser ? Qui peut lui hanter l’esprit au point qu’elle n’est plus connecté à la réalité depuis maintenant deux heures ? Sa mère. Peut-elle dire que la perte de sa mère l’a affecté ? Elle peut dire oui, tout simplement pour expliquer son envie de vengeance. Mais sinon, la vie sans sa mère lui est… Presque relaxante. Comme si un vide serait comblé. Drôle, non ? Que la perte d’une personne comble un vide ? Typiquement Calypso, ne pas faire de sens dans ses pensées, ni dans ses paroles… Mais étrangement, venant d’elle, on y croit fermement. La perte de sa mère lui a tout simplement emmener une raison pour se battre, une raison pour se venger contre ces envoûtés…
Parlant d’envoûtés… Machinalement, elle tourne la tête vers son téléphone qui reposait sagement sur la petite table à ses côtés. Il s’agit-là d’un vieux téléphone des années 1950 qu’elle a trouvé dans son ancienne maison, où sa mère gardait toute une panoplie d’objets antiques. Une armoire, une table, une chaise… Mais Calypso, elle, elle aimait le téléphone. Poussant un profond soupire alors qu’elle fixe cet appareil de communication, elle baisse les yeux et reporte son regard sur le robinet, qu’elle ouvre grâce à son pied, une fois de plus. Ahhh… La chaleur que peut nous procurer l’eau chaude. Rien comparé à la chaleur humaine, certes, mais Calypso le sait déjà, ça. Elle le sait même trop bien. Ses prunelles azures se tournent, une fois de plus, sur ce silencieux téléphone qui logeait la table. Attendait-elle un appel ?... Non. Mais elle devrait, vue le temps que ce téléphone n’a pas chanté. Ça fait plus d’une semaine qu’elle ne l’a pas vue… Lui. Et même si elle veut dire qu’il ne lui manque pas, qu’il n’est rien et qu’il ne vaut absolument pas la peine d’être tant manqué… Il y a quelque chose en elle qui ne peut toléré un tel mensonge éhonté. Oui, oui… Une partie d’elle qui lui crie, qui lui hurle à s’en vider les poumons, qu’elle souhaite qu’il compose son numéro, qu’elle souhaite qu’il l’appelle… Parce que piler sur son orgueil et faire mal à son égo, ce n’est pas l’idéal. Voir même que c’est très, très déconseillé. Mais alors pourquoi le combiné de son téléphone se trouve dans sa main droite, et de sa main gauche elle tourne la roulette pour composer ce numéro qu’elle hait tant ?... Boom. Boom. Boom. Boom. Ah voilà. Son cœur. Celui-ci se met à battre à tout rompre d’ailleurs quand il entend la voix à l’autre bout du fil, causant à Calypso de fermer les yeux et de piégé cette voix dans un des tiroirs de sa pensée, où elle y restera à jamais. Une voix de plus, cette voix s’élève dans son écouteur et provoque aux prunelles de la blondinette de s’ouvrir, et de sa voix musicale de prononcer « Ce soir. Minuit. Au cimetière. Sache que tu n’as pas le choix d’y être. », et elle raccroche aussitôt. Soudain, un sourire vient animer ses lèvres rosées. Un sourire de satisfaction, un sourire d’amusement. Un sourire.
Minuit sonna de toutes ses forces. Baissant les yeux sur sa montre, elle s’avance lentement dans le cimetière, leur endroit de rendez-vous. Pourquoi le cimetière ? Ne cherchez pas à la comprendre. Tac. Tac. Tac, furent le bruit de ses talons en heurtant le sol, la petite trajectoire menant à la silencieuse chambre où tous les esprits dormaient éternellement. Les deux mains dans les poches de son long manteau noir, elle se dissimulait bien avec la ténébreuse nuit qui les entouraient, aussi noire que l’encre. Et puis, le son de ses pas cessa brusquement. Il était là… Visiblement il était là à l’avance… De sa démarche féline, elle s’avance vers lui, de nouveaux le martèlement de ses talons sur le sol se faisait entendre. Une fois devant lui, elle passe une main dans ses cheveux bouclés et prononce d’un ton de voix assez détaché « T’es là d’ava… »… Et s’arrête brusquement alors qu’elle plonge son regard dans le sien. Statufiée, elle demeure silencieuse… Un silence à faire frissonner. |
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