CHAPITRE QUATRE ▬ uc.


Personne ne trainait, il était bien trop tard, puis, il faisait bien trop froid. Une légère couche de givre recouvrait tout Londres – arbres, immeubles, rares animaux nocturnes qui osaient sortir malgré l'air glacial, pavés, lampadaires ; tout y passait.
Depuis quelques temps, il faisait toutes les nuits environ moins quinze degrés Celsius, ce qui était plutôt désagréable pour tout londonien. Mais quand c'était le Spirit, on s'en moquait et on marchait, qu'on ait les cheveux, les cils, le bout des oreilles et le nez tapissés par de la gelée blanche et douce. D'ailleurs, une silhouette féminine marchait lentement à travers les rues, vêtue assez chaudement, à croire que le Spirit ne supportait pas que ses envoûtés ne tombent malade ou tremblent un peu. En effet, elle portait une grosse écharpe cachant la moitié de son visage, une longue veste en cuir noir avec de la fourrure – probablement fausse, le commerce de la fourrure se faisant très difficilement en ces époques – sur le col. Le son de ses pas semblait se répercuter sur tous les murs de Londres – elle était certainement la seule à être dehors.

Ce soir-là, le Spirit n'avait trouvé rien de mieux à faire que de traîner dans les rues de Londres, à la recherche d'un proie qu'il pourrait facilement détruire – si c'était un vampire – ou empoisonner – si c'était un humain. On ne savait jamais, peut-être qu'il y avait quand même quelqu'un dehors même si le temps était plus que mauvais. Il fallait juste être au bon moment au bon endroit... Comme l'Allée des Embrumes. Oui, ça, c'était vraiment le lieu où il fallait être tout le temps, le coin impossible à négliger, le site grouillant de blessés, ou d'alcooliques prêts à s'ouvrir une veine pour boire un petit peu plus.

L'Allée des Embrumes pullulait de monde, cette nuit-là. La majorité était des buveurs qui s'abreuvait continuellement de Whisky pur feu ou de Bièraubeurre. Une petite minorité stationnait dans les ruelles comme elle stationnait tout le temps, une autre minorité tentant de rester debout pour marchander un petit quelque chose et encore certains qui se pressaient pour rentrer chez eux, au chaud – si seulement ils avaient un foyer.

Tout ce petit monde était pitoyable, et c'était bien des victimes faciles, d'autres enveloppes charnelles s'en occuperaient à la place de cette délicieuse jeune femme. Bien docile, elle était aisée à manipuler, et jusqu'à présent, ç'avait été le cas. De plus, il avait besoin d'une armée encore plus grande, plus puissante, avec toutes les races mélangées pour écraser ces vampires. Il serait très gênant de voir débarquer en Europe Occidentale et en Russie, ainsi que dans la partie d'Amérique qu'il maitrisait assez bien toute une marée de vampires ainsi que leurs alliés qu'il devait envoûter le plus rapidement possible. L'Asie et l'Afrique et bien sûr l'Océanie seraient ravies de voir ces territoires retrouver leur soit-disant sérénité qu'ils avaient repris après l'avoir écrasé pour la première fois – il y avait bien des milliers d'années. Cependant, cette fois, il allait survivre, il allait gagner, et personne – pas même ces buveurs de sang répugnants et pénibles – ne pourrait le supprimer de ce monde sur lequel il régnerait en maître absolu. L'Europe, la Russie et l'Amérique étaient le royaume du Spirit, mais il avait besoin d'un prête-nom pour conserver le pouvoir, plus aussi discrètement qu'avant mais pour le garder et l'agrandir, le répandre encore plus loin sur Terre.
Non, décida le Spirit. Il fallait que tous ces corps restent en vie, au moins jusqu'au jour où il régnerait en souverain total sur toute la surface de la Terre.

C'est là qu'il l'aperçu. Une jeune fille innocente qui ne semblait pas être perdue dans ces ruelles sombres et sinueuses de Londres. Une jeune fille qu'il avait déjà croisé et qu'il ferait mieux d'envoûter rapidement, sans quoi elle ferait défaillir cette enveloppe corporelle si solide et puissante. Cette dénommée Kallista dont il occupait l'esprit lui servait beaucoup – elle était jolie, forte et résistante. Il ne fallait pas la perdre maintenant. Puis, cette lueur argentée lui allait si bien qu'il lui arrivait même de s'attendrir sur son visage délicieusement féroce. Non, que pensait-il, le Spirit ne peut s'attendrir sur n'importe quoi. Sinon, il l'aurait déjà détruit.

Il ordonna à la sorcière de suivre la silhouette qu'il avait repéré. Il fallait qu'il l'attrape, discrètement si possible, pour que tout se déroule pour le mieux. Comme le hasard faisait bien les choses : il y avait beaucoup de petites allées annexe à l'Allée des Embrumes ; dont l'une fut emprunté par la demoiselle qu'il suivait. C'était une impasse d'ailleurs. Ses lèvres s'élargirent, dévoilant une belle rangée de dents blanches et brillantes, dont deux canines diablement acérées, bien qu'elle ne soit pas une vampire. Voilà la souris pris par le chat et la souris allait être mangée lentement, avec appêtit.