« Ils m'ont dit de te tuer Haley. Il m'a dit de te tuer. » « Non, Bylel! Non, tu ne peux pas! Tu m'aimes Bylel! » « Mais il me l'a dit. » « Qui ca, il? Qui ca Bylel, qui veut que tu me tue? » « Peu importe, pas vrai? De toute facon, ça va changer quoi? » Je lui lançais un regard. Tendre, mais cruel, qui ne tenait pas de réplique. Elle ne le soutint pas longtemps, effrayée par mes prunelles brusquement argentées. Mélange d'émerveillement et de peur, elle s'approcha doucement, et tendit une main suppliante vers moi, tandis que des larmes sans âme tombaient le long de ses joues palissantes. Je fermais les yeux, acceptant cette caresse sans plus d'emotion, et attrapait sa main tremblante, la serrant quelques instants entre mes doigts froids. Lentement, l'étreinte se fit étau, et le sang quitta la main d'Haley, qui se débattit avec désespoir. Ses doigts étaient mous entre les miens, comme si elle était déjà résignée, et je la lachais doucement, la laisant retomber comme une poupée de chiffon au sol, meurtrie et sanglotante. On s'était aimés, un jour. Désormais, il ne restait plus trace de cette affection. Je n'avais plus de coeur pour l'aimer, je n'avais plus de mains pour la toucher, je n'avais plus d'yeux pour la voir. Son parfum ne parvenait plus à mes sens, et la caresse de ses cheveux sur mes doigts n'était que vague froide sur ma peau. A dix huit ans déjà, j'étais insensible à tout. Rien ne pourrait plus jamais me satisfaire, autre que la souffrance ou la haine. Je sortais d'un geste lent et circulaire ma baguette de ma poche, et la pointais sur Haley. Mes yeux, d'un argent brillant, brillèrent durant quelques instants. Puis ce fut le noir complet. J'exécutais des gestes qui n'étaient plus les miens, des sorts de souffrance qui la faisaient rouler sur le sol. Elle hurlait, hurlait, sans plus s'arrêter, martyre offerte à la mort. Dans un dernier élan de mechanceté, je l'achevais d'un dernier assaut. Elle eut un dernier spasme, un rale d'agonie, et finit par s'effondrer, de la bave aux lèvres. Son sweart shirt était trempé de sueur, et une large oréole s'étendait jusqu'au bas de son dos. Je m'approchais de son corps inerte, posant deux doigts sur la veine de son cou, cherchant un dernier signe de vie à abattre. Mais je ne ressentais plus rien. Loin d'être un effet de ma non sensibilité, elle était desormais bel et bien morte. Sans vie. Molle comme du chiffon humide.
Je me relevais, et soudain, comme de la brume qui s'envolait, je retrouvais ma vision. Et tout ce qui pouvait me parvenir en cet instant était son corps, à elle. Il était etendu sur le sol. Nous étions – ou plutot, nous avions été – dans cette ruelle noire, ou aucune lumière ne filtrait à travers la hauteur des immeubles. Elle était là, et plus aucun sursaut semblait ne vouloir secouer son pauvre corps. Je l'observais un moment, et je courrais soudain.


Je me réveillais en sursaut. Comme dans mon rêve, la sueur trempait mon tee-shirt. Je me sentais mort, tout à coup. Je me levais avec precipitation, poussé par des évènements qui me dépassaient. Elle était là. Je le savais sans le savoir. Je n'en désirais rien, et pourtant, elle était bien là. Depuis ce jour, j'avais évolué. Malgré les fréquentes périodes d'absences que j'avais, dues à l'infiltration du spirit dans mon corps, j'étais devenu tout aussi cruel et sans scrupule que lorsqu'il me possedait. Je vivais dans la guerre et le sang. Je tuais des eternels, et tout ça dans quel but? Je l'ignorais. Je m'appelais Bylel Morgan, j'avais vingt deux ans, j'étais anglais, sorcier envouté, au service du ministère et j'étais l'assassin de ma première petite amie, Haley. Toutes ces informations régissaient ma vie, jusqu'à aujourd'hui. Mais aujourd'hui, aujourd'hui seulement, je savais qu'elle n'était pas morte. Allais-je devoir la tuer de nouveau?
Ne prenant pas le temps d'enfiler une veste, je sortais de mon appartement, bondissant dans la rue. En face de moi, entre deux murs sombres, se tenait une silhouette.
Haley était de retour.