■ Vitali ? Tu m'écoutes ?
■ ...
■ Vitali !

N'obtenant pas de réponse de sa part, la jeune fille le secoua pour le ramener à la réalité. Celui-ci posa de nouveau son regard bleuté sur la petite brune assise à ses côtés.

■ On dirait que tu as vu un fantôme..
■ Ça se pourrait bien, souffla t-il, décontenancé.

Elle se contenta de hausser les sourcils, alors que le visage blême du danois reprit enfin quelques couleurs. Ils avaient décidé de faire une petite promenade dans les rues de Moscou. La foule était éparpillée sur toute la grandeur de la place Rouge, chacun allait dans des sens totalement différents, à des vitesses plus ou moins rapides. L'endroit n'était jamais désert et tant de monde grouillant ainsi, donnait l'impression d'être débarqué dans une véritable fourmilière grandeur nature. Alors qu'ils détaillaient tous deux la plupart des passants, la plupart étant des russes, pour s'en moquer un peu, une silhouette passa rapidement entre deux autres, telle une ombre. Il n'avait pas eu le temps de détailler la personne mais son coeur s'était arrêté une fraction de seconde. Il était certain d'avoir vu son jumeau. Que faisait-il ici ? Leurs parents étaient-ils d'accord ? Venait-il pour lui ou pour tout autre chose ? Préférant la seconde option à la première, l'apparition avait suffi à gâcher la journée du jeune homme, déjà bouleversé de voir Vassili ici. Jamais il n'aurait cru le revoir, surtout aussi loin de chez eux.



■ Pourquoi t'intéresses-tu donc autant à la sorcellerie ?
■ S'il vous plait, laissez-moi y aller.. Laissez-moi cette chance ! J'ai eu des pouvoirs, je dois apprendre à les maitriser.. et si j'en ai eu, c'est pour les utiliser ! Pas pour rester cloitrer ici.
■ Vitali.. Poudlard est très loin.. comment tu vas t'en sortir tout seul, là-bas ?
■ Je ne serais pas seul.. il y aura Agnès, Kasper, Aleksander..
■ Comprends-nous un peu, ce n'est pas facile de te laisser partir par les temps actuels.
■ Très bien ! De toute façon, j'ai 21 ans, je peux y aller si bon me semble. Je pensais que vous seriez capable de m'aider à financer l'inscription. Je me suis trompé. Je n'aurais qu'à utiliser les économies que vous m'avez mis de côté.

Les poings serrés, il jeta un dernier regard noir à ses parents, totalement dépassés par la chose. Il quitta la pièce, cette même rage qui consumait un peu plus son être à chaque fois. Il monta dans sa chambre pour s'isoler, laissant la porte entrebâillée. Il ouvrit sa fenêtre avec rapidité, prenant appui sur le métal froid et passant sa tête par l'ouverture, tentant d'inspirer un peu d'air frais, pensant pouvoir se calmer ainsi. C'était à chaque fois la même chose, et Vitali n'avait plus aucune patience avec ses parents, et surtout avec son frère. D'ailleurs, ce dernier n'avait pas pointé son nez pendant l'énième dispute qui venait de se dérouler dans les murs de la petite maison danoise, dans un quartier de Copenhague, capitale de son pays natal et aussi de l'unique qu'il avait connu. Il voyait dans cette école de magie une porte sur la liberté et la découverte. Lui qui n'avait jamais quitté les alentours de la ville, il s'était souvent pris à rêver de nouveaux horizons. Le Royaume-Uni n'était pas sa destination favorite mais il s'en contenterait. Les yeux clos, une brise très fraîche venait s'écraser en douceur sur les traits de son visage encore crispé par la frustration. Mais le silence fut de courte durée. La porte grinça légèrement. Non pas à cause d'un courant d'air mais parce que son cadet de quelques minutes à peine venait de passer la tête pour voir ce qu'il faisait. Il se retourna pour voir s'il ne se trompait pas. Comment aurait-il pu, de toute façon ? Ils avaient partagé le même ventre, eut la même vie et une relation très complice jusqu'au jour où ses pouvoirs magiques se sont manifestés. Son absence fut de courte durée au plus grand déplaisir de Vitali. L'autre resta sur le seuil de la chambre, brisant le silence avec hésitation.

■ Pourquoi tu veux tant partir ?

Vitali poussa un soupir et quitta la contemplation de la vue qui s'offrait à,lui.

■ Parce que je n'ai rien à faire ici. Je suis un sorcier. Et je ne veux plus vivre dans cette famille, Vassili. Je mérite mieux que votre jalousie. Mieux que tout ça.
■ Nous ? Jaloux ?! Tu te rends compte de ce que tu dis ? s'étonna le plus jeune.
■ Parfaitement, oui. Maintenant, sors d'ici, je voudrais pouvoir préparer mes affaires sans t'avoir dans les pattes.
■ Vita..
■ Dehors, j'ai dis ! répéta t-il fermement.

Voyant que le lien était totalement rompu et que son frère était fermé à toute discussion, il s'exécuta, lâchant la poignée de la porte et quittant le couloir, où ses pas firent craquer le parquet. Depuis quelques temps, ce genre de scènes composait son quotidien. Il perdait beaucoup trop vite son calme. Une dizaine d'années qui avaient suffi à changer totalement l'enfant souriant, adorable et généreux qu'il était. Et qu'était-il devenu ? Quelqu'un de plus fort que ce qu'il n'était avant de savoir qu'il avait des dons surnaturels. Jamais il n'aurait cru qu'il pourrait faire partie de cette espèce qui l'avait malgré tout fasciné depuis son plus jeune âge. La magie avait toujours fait rêvé les hommes, et croiser régulièrement des personnes semblables à vous, capable de faire des choses merveilleuses, n'arrangeait rien. Il avait fait de nombreux rêves où lui-même faisait voler des objets d'un simple mouvement d'une baguette magique comme il avait si souvent vu dans les mains des passants. Il avait eu cette chance infime d'obtenir ces facultés alors que sa famille n'avait rien de plus qu'une routine monotone et ennuyeuse. L'arrogance était sans doute née à partir de ce jour. Car oui, il était arrogant, mais heureusement, pas avec tout le monde. D'ailleurs, il avait honte. Tous ses nouveaux amis sorciers venaient de famille où la magie était présente au quotidien, et même si la réaction de sa mère aurait pu être pire quand Vitali s'était amusé à faire voler son frère, alors qu'il commençait à peine à comprendre comment la magie en lui répondait à sa volonté, il ne voulait plus avoir de lien avec eux. Il partirait, quoi qu'ils en pensent, quoi qu'ils en disent. Il savait qu'il pouvait compter sur sa meilleure amie. Elle s'était proposée pour payer d'avance les fournitures, n'ayant pas de soucis d'argent. Du moins, elle avait forcé ses parents à le faire, implorant leur pitié, car sceptiques malgré tout. Lui avait juré de les rembourser dès qu'il le pourrait. Il tiendrait sa parole. Car même si un tas de défauts étaient nés, il resterait honnête et loyal. Ouvrant sa valise en grand sur son lit, il entreprit alors d'y mettre ses vêtements et quelques objets de valeur auxquels il tenait. Il jeta un oeil sur les photographies encadrées, trônant sur sa commode. La plus grande présentait la paire de frères alors qu'ils n'avaient que 7 ans, en pleine montagne et en combinaisons pour survivre au froid, chaussant des petits skis adaptés à leur taille d'enfant. Il prit sa baguette magique en main, tourna le poignet rapidement et le cadre se coucha, cachant alors cette vie utopique qui n'était plus que son passé. Un passé qu'il ne regrettait pas. Et il n'imaginait même pas la joie qui allait s'emparer de lui quand il allait se retrouver devant le célèbre et légendaire château..



Il se leva du banc.

■ Rentrons, je commence à avoir vraiment froid.

Il espérait n'avoir que rêver. Même s'il n'y croyait pas vraiment. L'arrivée de son frère impliquerait trop de choses. Lui qui ne considérait plus avoir de famille, ni aucun lien avec de simples humains, chétifs et vulnérables.. Quelle honte serait d'avoir son jumeau ici. D'autant plus qu'il avait le sentiment qu'il n'était pas venu par hasard, mais bien pour lui.