Drown Your Swords

Belle était seule, au milieu d’une centaine de bancs alignés face à l’autel. Assise au centre de la nef, elle avait la tête levée vers le plafond, en forme de coupole, qui se trouvait une bonne centaine de mètres plus haut. Ses yeux dorés parcourraient les différents vitraux colorés, représentant les différentes épisodes de la vie jusqu’à maintenant, jusqu’à que le Spirit s’en aille, illuminés par les doux rayons orangés du soleil levant. Elle était restée sur ce banc en chêne toute la nuit, après avoir tué un cerf dans la forêt. L’éternelle était arrivée à l’heure où beaucoup de personnes venaient prier pour avoir du pain le lendemain ou retrouver un être cher, confesser leurs pêchés et leurs crimes, espérer avoir une illumination, ou simplement, se reposer des malheurs extérieurs à ces murs épais.
Belle, elle, était là pour une raison qu’elle ignorait. Prise par un soudain désir de se recueillir, ou peut-être d’oublier le temps et le passer à se vider l’esprit. Par respect, certainement, elle n’avait pas bu de sang humain. Quoi de plus culotté que de se présenter dans un endroit grouillant de mortels après en avoir presque achevé un ? Bien sûr, elle avait pris la place du Premier Ministre muggle dans sa résidence, mais là, c’était une autre chose, un autre degré, qu’elle prenait beaucoup plus en considération. Elle n’avait pas envie que tout le monde la fixe avec des yeux noirs, en attendant son tour au confessionnal, malgré sa beauté, qui ferait chavirer le cœur de plus d’un mortel. Elle était donc entrée, les cheveux dégoulinants de la pluie battante, les yeux brillants et dorés, par la grande double porte, entrouverte. Elle s’était installée entre deux mortels, qui n’avaient pas faits un mouvement, ou ne s’étaient reculés, par crainte d’être mordus. La cathédrale était une sorte de zone de paix, et Belle ne voulait pas déranger cette « loi » approuvée et respectée par tous ceux qui fréquentaient souvent l’endroit. Elle ignorait si des incidents avaient déjà eu lieu dans cet endroit sacré, mais elle ne voulait pas être la première, ni la dernière. Belle ne désirait pas troubler cette tranquillité.
Plus le temps passait, plus son esprit s’apaisait. Les battements de cœur du cerf qu’elle avait achevé soudainement s’étaient lentement éloignés, tout comme les personnes qui étaient venues prier. La cathédrale s’était vidée petit à petit, la dernière à partir était une vieille femme ridée, à la peau grise et au dos courbé. Belle la regarda furtivement, avant de fixer à nouveau ses yeux sur les vitraux sombres. Elle avait été prise d’une brusque envie de l’aider, mais ça aurait été comme l’accompagner vers une mort certaine et trop rapide, bien que l’âge avancé de l’aïeule la rapproche peu à peu de la fin. Ça aurait été un crime.
Rester dans la cathédrale transformait-il Belle en sainte ? Elle était encore au purgatoire, car si elle aurait été un ange, Belle aurait enfermé à jamais la femme âgée, ou aurait imposé une garde renforcée autours d’elle pour qu’elle coule des jours tranquilles jusqu’à que la mort vienne la faucher sans la blesser. Puis, l’éternelle aurait été une intruse, un ange damné au milieu de saints bénis. Elle serait rapidement retombée en enfer, pour y brûler jusqu’à la fin des temps.

La porte s’ouvrit, à nouveau, après qu’elle soit restée close pendant une douzaine d’heures. C’était un jeune homme, brun, aux yeux de la même couleur que ses cheveux. Belle s’était retournée un instant, par curiosité, et s’était détournée rapidement. Elle n’avait pas alors relevé la tête vers le plafond, pour fixer encore pendant des heures la rosace multicolore qui se situait au dessus de l’autel, d’une taille aussi importante que celle qui se trouvait au dessus du portail.
Soudainement, Belle se remémora le visage de l’inconnu qui venait d’entrer, pour une raison qui lui était inconnue. C’était inconsciemment que la face et la silhouette remontèrent à sa vision, oubliant totalement tout ce qui l’entourait. Ces traits fins, ce menton fendu vers le bas, ces oreilles un brin décollées… Tout cela lui était familier. Pourquoi ? Elle l’ignorait. Tout à coup, elle releva la tête, comme emprise d’une illumination. Bobby ! Bobby…

Ça faisait déjà un moment que tout avait changé. Pas seulement pour Valentin, bien que sa vie aussi ait changé, ces derniers mois. Il avait retrouvé Lokhyan, par le plus grand des hasards. Ce vampire qui avait mis la pâtée à son père quand lui-même était encore un gamin qui apprenait à chasser. Et qui avait pour une raison obscure décidé de laisser la vie sauve à ce gamin terrifié, ne lui laissant pour seul souvenir qu'un médaillon frappé à ses armes, que Valentin n'avait jamais quitté depuis. Certes, il avait appris la raison qui avait alors retenu la dent de l'Immortel, mais il n'y croyait qu'à moitié. Elle paraissait trop humaine pour une créature telle que lui.

Leurs routes s'étaient croisées, séparées, croisées de nouveau, comme un ballet. Et aujourd'hui, alors que Lokhyan semblait d'être détaché de tout et de tous, se proclamant serviteur de Dieu, ce dieu horrible qui avait laissé tant d'horreur arriver pour assouvir sa vengeance personnelle contre le genre humain et ses dérivés, alors que Lokhyan l'avait abandonné... Valentin réalisait enfin qu'il ne pouvait pas le laisser partir. Jamais. Le vampire avait forcé une porte dans le cœur de Valentin, y avait pris une place à laquelle jamais Shepard senior n'avait pu prétendre, tout ça pour laisser une place vide, vide et froide ? Valentin refusait.

C'était peut-être ce refus qui le conduisit sur le porche de la cathédrale, aux premières lueurs de l'aube, après une nuit passée à vagabonder. Quoi d'autre ? Il n'avait jamais été croyant, et cela n'avait pas changé quand le Spirit avait déclaré être Dieu lui-même. Bien au contraire ; cela n'avait semblait-il fait qu'attiser la colère latente du jeune homme, le dressant contre l'injustice et la violence employé par cette entité qu'on prétendait bonne et miséricordieuse. Certes, il avait laissé une chance aux Hommes... mais à quel prix ? Comment cette... chose pouvait-elle prétendre être Dieu ? Ça n'avait aucun sens, et Valentin avait bien l'intention de le prouver au monde.

Parce qu'il devait ramener Lokhyan a la raison.

La porte grinça quand il la poussa, troublant le silence pesant qui régnait à l'intérieur. Valentin hésita, un court instant - était-il venu prier Dieu ? Ne commettait-il pas un blasphème en posant le pied dans cette enceinte ? Que diable en avait-il à foutre ? Le Spirit n'était pas Dieu - Dieu ne lui en voudrait pas de vouloir rétablir la vérité, croyant ou non. Et, s'il avait tort, eh bien... il n'aurait pas volé son châtiment. De toute façon, il savait pertinemment qu'il méritait la colère de Dieu. Il avait tué, un an plus tôt, il avait tué et n'avait jamais expié son crime. Se confesser aujourd'hui ne rimerait à rien. Parce qu'il n'était pas chrétien, pour commencer ; parce qu'il était peut-être un peu tard pour éloigner le démon de ses traces. Et puis... Il voulait être châtié.

Pas maintenant, bien sûr. Pas avant d'avoir ramené Lokhyan - et Blandine. Blandine, qu'il n'avait toujours pas retrouvée, après des années de recherches. Et ce n'était pas le vampire qui allait lui donner les informations promises, maintenant. Il se retrouvait de nouveau au pied du mur, seul, abandonné, sans la moindre piste. Plus impuissant que jamais face aux mouvements du monde. Il s'avança dans l'allée, le regard rivé à la croix avec son supplicié de métal qui le narguait du haut de son autel. Sa souffrance gravée semblait l'accuser de tous les maux. Le jeune homme frémit, et s'immobilisa, incapable de faire un pas de plus. Il n'était jamais entré dans une église auparavant, ni son père avant lui, pas même pour son mariage - il comprenait pourquoi. Tous les hunters ressentaient-ils cette accusation en pénétrant ici ? Etait-ce la raison pour laquelle les vampires non plus ne venaient jamais ? Pourtant...

Pourtant oui, il reconnaissait l'odeur du vampire - il n'était pas seul, et l'autre était un Immortel.

Retrouvant mobilité et réflexes dans la même seconde, il dégaina sa baguette magique et la dirigea là où son flair lui indiquait une présence - la seule autre à part lui. Une jeune femme au visage bouleversé levé sur lui, à l'air si inoffensif qu'il faillit baisser son arme. Il ne se sentait pas à l'aise, ainsi armé dans ce lieu de culte, mais il lui était impossible d'affronter une créature de la nuit sans être armé, sans avoir la possibilité de se défendre. Il connaissait leurs ruses - il connaissait leur insatiable soif.

-Qu'est-ce que vous faites là ? gronda-t-il, et sa voix, son murmure, résonna longuement entre les murs comme le grondement lointain du tonnerre, alors que, éreinté, nerveux, il se sentait prêt à lancer un sort involontaire qui se répercuterait lui aussi sans fin à travers les pierres froides de la cathédrale.

Il plissa les yeux, et reçut comme un choc. Ces cheveux, ce regard, et cette candeur... Blandine... gémit son esprit épuisé, alors que sa vue se brouillait et que ses jambes menaçaient de le lâcher. Il n'avait pas souvenir d'avoir été blessé, au cours de la nuit. Il s'était battu, certes, avait tenté d'anéantir quelques vampires, aussi. Mais, blessé ? Non. Sûrement pas. Il aurait eu mal. Peut-être. Il ne savait plus.

Qu’est-ce que vous faites là ?

Ce fut comme un aboiement, un sifflement, une griffure. Ces paroles sèches et froides attinrent Belle directement, sans passer par vingt chemins. Elle avait mal, elle n’osait imaginer Bobby lui parler ainsi, sur ce ton cassant, le regard insensible, tant d’années après leur séparation. Il avait moins de dix ans, lorsqu’il avait disparu mais elle se souvenait encore parfaitement de lui, sur le quai de la gare, lui souriant et lui souhaitant un bon séjour à Hogwarts. Belle tourna la tête, baissa ses yeux dorés, fronçant les sourcils, les lèvres pincées, comme désirant éviter de pleurer des larmes de sang et effacer cette image de sa tête pour l’instant – ou à jamais. Le visage de quelqu’un restait-il le même jusqu’à la mort, avec seulement quelques rides et traces de maturité en plus ? Belle en doutait, mais cet individu ressemblait tellement à son frère… Ses sentiments étaient déchirés, elle souffrait, gardait les yeux ouverts avec peine. Elle avait mal.

Elle leva à nouveau les yeux sur le jeune homme, sans expression, quoiqu’avec innocence, cherchant indéniablement une vérité. Etait-ce réellement Bobby ? La question que l’individu avait posée était totalement insensée, elle lui reprochait son ignorance. Toutes les races fréquentaient cet endroit. L’éternelle soupira, les doigts croisés sur ses genoux serrés, non pas par stress mais par tristesse, pour lutter contre les souvenirs qui l’assaillaient. Le rire candide de Bobby retentissait dans ses tympans, et la jeune vampire redoutait le moment où elle fermerait les yeux – inconsciemment ou pas, de peur de découvrir une scène où ils furent ensembles, heureux.

Je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu dire que les éternels n'avaient pas le droit d'entrer ici. Tout le monde a accès à cet endroit, même ceux qui sont coupables des pires crimes sur cette Terre. Après tout, qui n’a jamais péché, depuis que le Spirit a conquis ce monde et est repartit en le laissant en friche ? Demanda-t-elle en retour, sur un ton accusateur, sa voix totalement dénudée de chaleur réconfortante. Ne me dis pas que tu n’as jamais tué, ça serait mentir. Et de surcroit, dans un endroit sacré.

Belle plissa légèrement les yeux, mais ne fit de mouvement face à la baguette du jeune homme. Elle n’osait l’appeler Bobby, de peur de se tromper, mais sa curiosité léchait sa langue, tel le feu danse sur le bois. L’immortelle ne baissait pas les yeux, comme défiant le sorcier, et ainsi, ses propres souvenirs. Elle imaginait que se confrontait à son visage lui ferait oublier cette impression folle qui s’était bâtie en elle, ce qui était loin d’être le cas.

Range ta baguette, elle ne te sera pas utile ici. Ou du moins, pas avec moi. Je ne te ferais pas de mal…

Il semblait perplexe. Il sentait le vampire à plein nez, et pas un seul, mais bien une dizaine, ou peut-être, en cherchant un peu plus profondément, des centaines. C’était un chasseur. Mais Belle ne le craignait pas, lui, mais appréhendait les souvenirs qu’il faisait naître en elle. Elle paraissait se recroqueviller en elle-même, pour se protéger de toutes ces images, ces photos mentales, qu’elle avait prises sans prendre garde. Extérieurement, néanmoins, elle semblait tout à fait normale, sans avoir bougé d’un cheveu. Une infinité d’expressions traversaient imperceptiblement son visage, d’une telle rapidité qu’elle était invisible aux yeux d’un simple humain. Mais la lueur dans le regard de Belle ne changeait pas : elle était mélangée d’espoir et de chagrin.

Je ne te ferais pas de mal… Répéta-t-elle à nouveau en chuchotant, comme pour se convaincre elle-même.

Elle détourna le regard, et Valentin se sentit perdre pied, comme si l'appui qui l'avait jusque-là empêché de tomber venait de lui être retiré. Il se sentit vaciller. Sombrer. Son corps soudain transi menaçait de le laisser tomber ; ses muscles frissonnaient, mais pas de froid. Ou peut-être... Il ne savait pas, il ne savait plus. Il avait envie de dormir - non, de s'abandonner à l'oubli. De laisser sa conscience s'émousser jusqu'à atteindre le néant. Le repos de l'esprit.

Mais il avait un nouveau combat à mener ; l'aube était là, et pourtant la dernière bataille de la nuit n'avait pas encore eu lieu. Son adversaire venait seulement de rejoindre l'arène. Un adversaire qui avait l'apparence trompeuse de sa douce Blandine... Son expression douloureuse entamait sérieusement ses dernières défenses, insinuant peu à peu la faiblesse dans son cœur. Pourquoi hésitait-il ? Elle était son ennemie comme tous ceux de son espèce.

Réellement ? La pensée fugitive de Lokhyan traversa son esprit épuisé, sans laisser d'autre trace qu'un malaise grandissant. Il avait besoin de sommeil, de rattraper les longues heures de veille qu'il enchaînait depuis des jours sans s'accorder le moindre répit. Mais il ne pouvait pas s'offrir ce luxe - pas maintenant. Elle lui parlait, mais seule la dernière phrase parvint à se frayer un chemin jusqu'à sa conscience.

-Ne me dis pas que tu n’as jamais tué, ça serait mentir. Et de surcroit, dans un endroit sacré.

Imperceptiblement, la baguette amorça un mouvement vers le bas, comme le bras du jeune homme abandonnait la lutte. C'était comme l'accusation enfin formulée qui tourbillonnait dans sa tête depuis qu'il avait posé le pied sur le sol de cette cathédrale. Elle faisait mal ; très mal. Parce qu'il avait toujours refusé de s’appesantir sur son péché jusqu'à présent.

-Je... commença-t-il.

La femme vampire ne lui ferait pas de mal. Inexplicablement, Valentin eut envie de la croire. Peut-être parce que c'était plus facile que de se préparer à combattre. Peut-être parce que son visage était si semblable à celui de sa précieuse jumelle... Peut-être parce qu'il percevait une réelle sincérité dans sa voix. Une douleur qui rejoignait la sienne. Quelle importance ? Son bras retomba le long de son corps, ne tenant plus la baguette que d'une faible pression. Le chasseur venait de capituler devant la proie. Et il n'en avait que faire.

-J'ai tué... murmura-t-il d'une voix presque inaudible. Pardonne-moi, pardonne-moi d'avoir souillé ma vie, Blandine...

Et sur ces mots, son corps lâcha prise, et le néant l'envahit enfin.

Il baissa sa baguette, machinalement. Etait-il réellement conscient de ce qui lui arrivait ? Belle l’ignorait, mais ne cessait de se demander si c’était Bobby. Les personnes disparues posaient toujours problème : on n’était jamais sûr qu’elles fussent décédées. Et si l’individu en face d’elle était Bobby ? Il semblait pourtant bien plus âgé qu’elle, malgré son apparence trompeuse. La fatigue qui peignait ses traits la troublait peut-être. Bobby n’était pas aussi âgé – enfin, ce n’était qu’un prétexte pour refouler l’idée qu’il était peut-être encore vivant et en face d’elle, devenu chasseur de vampires.
Pourquoi n’attaquait-elle donc pas ? Belle ne pouvait pas s’y résoudre. Son amour pour sa famille – bien qu’elle l’imaginait entièrement décédée, n’égalait nullement son propre amour. Il était bien au-delà, même si l’éternelle l’ignorait.

Je…

Un nom ? Pitié, faites que ce soit un nom, pour taire à tout jamais les espoirs de Belle ! Mais s’il avait perdu la mémoire et qu’on l’avait renommé autrement ? Cette idée l’horrifiait. Un Bobby qui ne se souviendrait pas d’elle non plus, s’il était amnésique.

J’ai tué… Pardonne-moi, pardonne-moi d’avoir souillé ma vie, Blandine…

Blandine ?! Il plaisantait n’est-ce pas ? Non, impossible qu’il l’ait appelé par un autre nom ! Non, impossible qu’il… Soit amnésique ? La fatigue, oui, c’était la fatigue ! Il l’avait ainsi confondu avec quelqu’un d’autre, quelqu’un qui lui ressemblerait légèrement – parce que personne ne pouvait rivaliser, ne serait-ce que d’un cheveu.

Bobby ! S’écria-t-elle en même temps qu’il s’écroulait.

Belle le soutint juste à temps, et grâce à sa force de vampire, réussit à le maintenir sans trop de mal. Elle connaissait l’expression « mourir de fatigue », mais n’avait jamais imaginé que ça arriverait. Elle l’installa sur le banc du mieux qu’elle put, puis passa son doigt sous les narines du chasseur, pour vérifier qu’il respirait encore. Il était en vie, certainement à bout de forces. Elle n’avait plus qu’à attendre qu’il se réveille, et ainsi l’interroger sur son identité – s’il voulait répondre.
Avait-il des papiers sur lui, qui pourrait la renseigner ? Belle voulut fouiller, puis finalement, se refoula. Ils étaient dans un lieu saint, autant tenir jusqu’au moment où elle sortirait de la cathédrale.

Belle avait l’impression que le nom de Blandine se répercutait encore dans la cathédrale. Les premiers rayons du soleil transpercèrent les vitraux. C’était magnifique de voir cet ensemble de couleurs multiples, ça devenait presque fascinant. Le sentiment d’apaisement la saisit à nouveau, la respiration marquée mais paisible du sorcier la calmait et chassait momentanément toutes ses pensées les plus folles, inquiètes et sombres. Elle retrouvait son sang froid habituel, il semblait qu’elle était à nouveau mortelle et qu’elle prenait seulement soin d’un sorcier épuisé. La baguette tombée à terre, Belle la ramassa et la plaça entre les doigts du chasseur, au cas où il voudrait l’attaquer après avoir repris des forces, au moment où il serait bien plus lucide.

Il ouvrit les yeux, lentement. Entre temps, la cathédrale s’était remplie pour les premiers croyants venus prier. Ils ne firent que peu attention aux deux individus, voyant clairement que Belle n’avait pas tué le chasseur mais qu’il dormait. Elle n’avait pas encore faim, et si elle devait rester dans cette cathédrale toute la semaine pour obtenir une réponse, elle jeûnerait. Elle n’était pas sauvage, elle saurait se maîtriser. Elle n’était pas Charlotte ou Isobel, elle n’était pas une vampire sanguinaire, même si l’appel du sang pouvait la rendre bien différente de celle qu’elle était.

Belle attendit qu’il reprenne ses esprits, puis enfin, lui annonça :

Je ne veux pas savoir ton nom, et tu ne sauras pas le mien. Donne-moi n’importe quel surnom, ça me conviendra.

Elle soupira, puis se mordit la lèvre inférieure. Qu’aurait-elle pu dire d’autre ? « Bien dormi ? » Quelle blague. Belle n’avait rien trouvé de mieux, et refusait d’entendre qu’il n’était pas son frère. Elle voulait d’abord être sûre qu’il n’était pas son frère avant de le lui demander, l’éternelle imaginait le choc bien moins dur à encaisser. Il restait donc un total inconnu, même si elle avait hâte de découvrir qui il était et qu’il ravivait des souvenirs qu’elle aurait préféré réveiller plus tard, dans d’autres circonstances. Et peut-être ne tiendra-t-elle pas cette « promesse », peut-être qu’elle lui demandera son nom, ou lui avouera le sien et voudra être certaine qu’il n’est pas Bobby. Et pourtant, tant de possibilités s’offraient à chaque réponse…

Pourquoi es-tu devenu chasseur ?

Il se réveillait d'un sommeil sans rêve, un néant sans image ni son qui avait reposé son corps et son esprit. Il se sentait toujours extrêmement fatigué, mais plus lucide, plus à même d’appréhender le monde qui l'entourait. Il gardait une impression floue des événements survenus avant qu'il ne perde conscience - au moins, il avait une vague idée de ce qui l'avait emporté dans la nuit. Il peinait à croire le reste : la cathédrale, la vampire...

Blandine ?!

Ce seul nom le ramena brutalement au moment présent, mais ses paupières encore lourdes papillotèrent un peu trop doucement sous la faible lumière qui baignait l'intérieur du lieu saint. Au moins, sur ce point, il n'avait pas rêvé. Sur le reste non plus ; il sentait la présence de quelqu'un, près de lui. Une présence vampirique, sans l'ombre d'un doute. Leur odeur, leur aura, était trop particulière pour qu'il puisse l'ignorer.

Il y avait des humains dans la cathédrale, à présent. Des gens ordinaires qui ne se doutaient pas une seconde du danger qu'ils couraient. Mais... Il referma un instant les yeux. Combien de temps avait-il dormi ? A quel point avait-il abandonné les rennes de l'éveil pour offrir à cette tueuse l'opportunité d'en finir une fois pour toute avec lui ? Et il était toujours en vie. Lui, le chasseur. L'ennemi presque naturel de ces êtres contre-nature.

Des êtres qu'il avait malgré tout appris à aimer, bien malgré lui. Un seul nom : Lokhyan.

Peut-être ces humains ne risquaient-ils rien. Peut-être lui non plus n'avait-il rien à craindre. Mais, entraîné depuis longtemps à cette chasse, son corps demandait à réagir de lui-même. Il se félicita presque de s'être presque tué à la tâche cette nuit-là. D'avoir frôlé l'épuisement le plus total. Cela l'empêchait de poursuivre l'esclandre qu'il avait entamée à son arrivée. Il n'avait plus envie de se battre. Il voulait savoir s'il avait enfin touché au but, alors qu'il n'y croyait plus. Il voulait savoir s'il avait retrouvé Blandine.

Et la vampire se mit à parler. D'une voix douce et claire, amenée au chuchotement par le respect que ce lieu imposait souvent aux êtres sensibles. Pas de révélation, pour l'heure ; elle voulait ignorer son nom, sans doute pour entretenir encore un peu l'illusion qu'elle l'avait retrouvé. Il pouvait le comprendre - il éprouvait la même chose, mais l'espoir le tuait. Il préférait savoir maintenant, avant de croire à l'impossible pour mieux se briser ensuite. Mais n'était-ce pas ce qu'elle cherchait ? Après tout, depuis toutes ces années à courir après le vent, il avait disséminé sa vérité à travers toute la société vampire. Il songeait parfois que pas un seul d'entre eux ne devait plus ignorer le but de sa sanglante quête.

-Pourquoi es-tu devenu chasseur ?

Les mots planèrent un moment entre eux, comme une accusation voilée, une déception intense qu'il avait seul provoquée. Il ferma de nouveau les yeux, mais ne les rouvrit pas. Il pouvait croire qu'il parlait à sa jumelle perdue - au moins pour quelques minutes. Il avait tant à lui confesser, tant à se faire pardonner... Il voulait croire qu'elle était là, comme avant. Il avait tant besoin d'elle, de sa présence !

-Par la force des choses, murmura-t-il, las. Je n'ai pas eu le choix. Toi, tu avais disparu, et moi... Il lui fallait un successeur. C'était sans doute son seul but de la vie... Il m'a... formé. Je n'avais pas le choix... répéta-t-il.

Ses muscles se crispèrent au seul souvenir de ces années passés avec son père, à chasser le vampire avec une hargne toujours plus virulente. Alors seulement, il sentit la forme caractéristique de sa baguette, dans sa main. Il rouvrit les yeux, surpris, et regarda en direction de l'Eternelle, assise près de sa tête. Il était pourtant certain de l'avoir laissée échapper de sa main, lorsqu'il s'était évanoui. Ça n'avait strictement aucun sens ; quel vampire serait assez fou pour rendre son arme à son pire ennemi ?

Pris d'une impulsion subite, il leva un main, la tendit vers le visage de la jeune femme jusqu'à le frôler du bout des doigts. Il n'arrivait pas à la quitter des yeux, l'aurait-il seulement voulu. Il ne voyait plus que Blandine, sa chère sœur disparue et tant cherchée. Lui qui n'avait jamais prié, priait maintenant pour ne pas s'être trompé. Pour qu'il ait enfin touché au but. Sa main se posa sur la joue pâle et froide. La peau de marbre de son autre lui-même.

-Pourquoi es-tu devenue vampire ? souffla-t-il à son tour.

Au fond de lui, il n'avait aucune envie de savoir, comme si cela pouvait détruire ce qui restait de lui - l'ombre d'une ombre fendillée de toutes parts par une souffrance indicible. Mais il avait besoin de la réponse. Parce que, sans elle, il ne pourrait que continuer à errer sans fin dans les ténèbres.

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite à sa question. Peut-être était-il encore sonné ? Il devait horriblement souffrir, avoir des courbatures à ne plus pouvoir les compter, il était humain après tout. Il semblait également hésiter. C’est vrai que confier à une éternelle la raison de sa conversion en chasseur était plus que délicat mais plutôt comique. Combien de chasseurs avaient avoué aux vampires le pourquoi du comment ? Aucun sans l’aide d’alcool et de haine féroce.
Belle redoutait la réponse du jeune homme, elle redoutait d’être blessée profondément et de ne pas pouvoir s’en remettre. Sa famille était tout, elle ne pouvait pas être déçue par sa famille. Non, elle ne pouvait pas, c’était hors de question, jamais !
Il entrouvrit ses lèvres, pour parler. Elle retint son souffle.

Par la force des choses.

Une pause.

Je n’ai pas eu le choix. Toi, tu avais disparu, et moi… Il lui fallait un successeur. C’est sans doute son seul but de la vie… Il m’a… Formé. Je n’avais pas le choix.

Elle avait disparu ? Pardon ? Non, lui avait disparu ! Lui avait été porté disparu, après être envoûté. Enfin, peut-être était-il trop jeune pour s’en souvenir. Il ? Leur père ? Jamais, comment aurait-il pu le former alors qu’il ne ferait de mal à une mouche et qu’il… Non. Peut-être avait-il perdu la mémoire et avait été recueilli par quelqu’un qui s’était autoproclamé comme son père… Il fallait absolument qu’elle arrête ses suppositions tirées par les cheveux.
Il leva les yeux vers elle en apercevant la baguette dans sa main. Il était surpris. En quelques sortes, Belle s’y était attendue. Elle eut un sourire bienveillant, l’éternelle voulait lui prouver qu’elle ne mentait pas. Ils ne pouvaient pas se faire mal, physiquement parlant. Elle en était convaincue.
Ses doigts se déposèrent délicatement sur sa joue. Elle soupira. Ne pas recommencer à faire des suppositions. Ne pas tenter de saisir une de ces hypothèses qui défilaient dans sa tête. Fermer les yeux, et attendre.

Pourquoi es-tu devenue vampire ?

Vampire. Ce mot sembla la prendre par surprise, lui couper le souffle. Elle avait momentanément oublié leur situation : lui chasseur, elle vampire. Belle, qui avait toujours été comblée par son statut d’éternelle sans se poser de questions, se rendit compte que l’interrogation du jeune homme était celle qu’elle avait toujours évitée. Pourquoi elle avait accepté de devenir éternelle. Elle aurait très bien pu succomber à la douleur, refuser d’être un vampire. Certes, il y avait eu la beauté éternelle, la vieillesse qui ne viendrait jamais ternir son visage. Mais il devait y avoir quelque chose d’autre. Elle ne pouvait pas s’arrêter à une explication aussi superficielle.
Son sourire disparut. Elle secoua lentement la tête, cherchant au plus profond de son âme pour trouver. Tous ces souvenirs qui défilaient à une vitesse folle la faisaient souffrir, mais elle-même savait que c’était la seule façon de savoir. Elle voulait découvrir ce qui avait traversé son esprit et son cœur au moment où le vampire avait retiré sa bouche de sa tempe, et pour cela, il fallait qu’elle se rappelle de tout ce qui avait précédé ce moment fatal.

Pour vivre.

C’était tombé comme une sentence. La vie, l’essence même d’un être. Toute cette douleur pour avoir une éternité devant elle.

Oui, c’était pour vivre. J’espérais avoir mon lot de surprises, tu sais, avoir le temps de passer par toutes les épreuves, la mort des personnes que je rencontrerais, la joie de petits instants, l’adrénaline lors des courses poursuites, et peut-être même, l’amour…

Les coins de ses lèvres se relevèrent légèrement. Elle se confessait auprès d’une personne qui était sensée être son ennemi. De toute façon, que ferait-il de ces informations qui n’étaient, tout compte fait, nullement intéressantes pour quelqu’un d’autre qu’elle-même ?

Et maintenant ?

Voilà, pas très convaincue de ce que j'ai fait ùù
Encore désolée ! :S

-Pour vivre.

Si la question, légitime, avait paru la surprendre, ce n'était rien à côté de ce que ressentit Valentin à cette réponse inattendue. Pour vivre. C'était la réponse la plus simple, la plus évidente, celle qui, seule, pouvait motiver une décision, la seule qui soit valable... la seule qui soit vraie. La seule que personne n'invoquait jamais.

Elle souleva en lui une terrifiante vague de peur qui venait bien trop tard. Blandine s'était-elle retrouvée dans une situation qui impliquait un choix de vie ou de mort ? L'avait-on acculée pour qu'elle n'ait plus que cette douloureuse malédiction comme option ? Se pouvait-il... qu'il ait échoué dans son rôle, qu'il n'ait pas été là pour la protéger, au seul moment de sa vie où elle en avait eu besoin ? Il l'avait toujours craint... Et si...

La suite le détrompa. Un profond malaise s'insinua en lui alors qu'il prenait conscience que quelque chose clochait dans ce tableau chimérique qu'ils dressaient tous deux sur ce banc d'église. Qu'une erreur s'était glissée dans les mailles trop serrées de cette tapisserie malsaine. Ses doigts se crispèrent sur la peau de marbre, et il retira sa main presque comme s'il s'était brûlé, mais sans pouvoir détacher ses yeux de ce visage qu'il aurait tant aimé reconnaître.

Ce n'était pas Blandine. Ce n'était pas possible.

Blandine n'aurait jamais accepté cette sanglante destinée. Leur mère leur avait appris à ne pas haïr les vampires, à les considérer comme des entités à part entière, avec leurs défauts et leurs souffrances - un enseignement qu'il avait perdu à la faveur des chasses continuelles que lui avait imposé son père des années durant, jusqu'à lui graver sa haine au plus profond de l'obscurité de son cœur. Blandine avait bu ces paroles de bonté, avait imprégné son âme pure de cette gentillesse sans limite.

Mais elle connaissait aussi la vérité. Dans son amour infini pour autrui, leur mère, Patricia, leur avait conté l'horreur et l'indicible douleur qui accompagnent toujours cette transformation de soi. Elle leur avait appris la compassion, mais non l'envie de rejoindre les rangs des éternels damnés. Blandine n'aurait jamais fait ce choix, pas en pleine connaissance de cause.

Une nouvelle pensée lui déchira le cœur. Se pouvait-elle qu'il l'ait si mal connue ? Qu'elle ait éprouvé des désirs dont il ne s'était jamais douté ? Il connaissait ses penchants pour la fantaisie, les contes qui finissait sur d'improbables happy end, mais cela voulait-il dire qu'elle croyait en ce repos de l'âme, en cette rédemption, que pouvaient obtenir ces créatures impures et meurtrières ? Au point de vouloir les rejoindre, devenir l'un d'eux ? Ou bien la vie l'avait-elle changée, comme elle l'avait changé, lui ?

S'était-il donc définitivement perdu dans ce diabolique labyrinthe des songes ?

-Et maintenant ?

Maintenant ? Existait-il encore un présent ? Une réalité ? Une vérité tangible à laquelle se raccrocher, quand tout s'effondrait à grand fracas autour de soi ?

-Je ne sais pas... souffla-t-il, la gorge serrée au point d'en avoir mal. Je suis fatigué, fatigué de cette vie, fatigué de te courir après pour me rendre compte que tout ça, c'est du vent, que tu n'existes plus que dans mes souvenirs...

Ses paroles s'embrouillaient, se mélangeaient, mais pas ses pensées. Peut-être même n'avait-il jamais vu si clair, en lui-même, en tout le reste. Deux larmes vagabondes s'évadèrent de ses paupières tremblantes, pour se perdre dans sa chevelure terne. Il avait mal, mal comme jamais, parce que, dans sa faiblesse, il avait laissé les vannes de son être s'ouvrir en grand, et il ne pouvait plus - ne pourrait plus jamais - les refermer.

-J'ai besoin d'aide... chuchota-t-il. Je dois renaître... ou mourir.

Dans la douleur de ses remords et de sa solitude sans fin, il ne voyait qu'une seule vérité : sa vie, son existence tout entière n'avait aucun sens. N'en avait jamais eu.

Spoiler:

Belle soupira. Définitivement, y avait-il quelque chose de vrai et de sincère sur cette Terre qui ne puisse mentir ou tromper ? Est-ce que le Spirit lui-même, qui avait tué tellement de monde, avait-il était sincère lorsqu’il annonçait qu’il était Dieu ? Il n’y avait plus tellement de religions depuis longtemps, ou du moins, plus aux yeux de Belle car il avait trop longtemps régné avec la peur et la haine, comment pouvait-il prétendre qu’il était Dieu ? Le jeune homme en face d’elle lui mentait aussi. Il n’était pas Bobby. Il n’était pas son frère, il n’existait pas, cela lui ferait trop mal de le voir dans un tel état. Il semblait perdu, épuisé de la vie, hagard, qu’espérait-il à présent ? Lui-même l’avouait, il ne tenait plus debout pour avancer sur le chemin de sa vie. Il renonçait à elle comme elle renonçait à lui avant même de l’avoir connu. Comment aurait-elle pu le connaître ? Il s’était envolé alors qu’elle était trop jeune pour garder des souvenirs concrets de lui. Belle portait certes, un amour inconditionné pour sa famille mais quels souvenirs restaient réellement ? Ceux de son père, et peut-être quelques uns de sa mère, elle ne savait plus trop. Etait-ce le vampire qui l’avait mordue qui lui avait fait oublier certains détails de son ancienne vie, était-ce le vampire qui, avec sa morsure, avait effacé quelques souvenirs de sa mémoire ? Il fallait qu’elle cesse de se poser des questions, elle s’embrouillait avec eux, se perdait entre eux.

Deux larmes s’échappèrent des paupières du jeune homme. Non, il ne fallait pas qu’il pleure. Il n’était pas aussi faible que ce qu’il pouvait croire, il était faible comme tout le monde, il ne fallait pas qu’il baisse les bras ainsi. Elle tendit la main pour déposer ses doigts sur la joue du mortel mais ils ne la touchèrent pas, la frôlèrent à peine. Ils suivirent les traits de sa mâchoire puis retombèrent lentement.

J’ai besoin d’aide… Je dois renaître… Ou mourir.

Cela était-il un désir d’être transformé en vampire ? Renaître ? Elle ne voyait pas d’autre signification. Néanmoins, elle ne se sentait pas prête à le faire. Belle, si jeune encore, n’avait pas l’impression d’avoir la force nécessaire pour le faire, ni le courage. Ou peut-être insinuait-il autre chose ? L’éternelle ne pouvait se résoudre à le tuer, ni à le transformer. Il avait grand besoin de repos pour s’éclaircir les idées, c’était tout ce qu’elle pouvait lui conseiller pour l’instant. Il ne pouvait pas devenir ce qu’il avait tué et chassé durant tant d’années. Et il vivrait plutôt mal sa transformation, elle pouvait le parier à quatre-vingt dix neuf pourcents. Il ne pouvait pas s’abandonner ainsi à elle.
Son visage de marbre se froissa de douleur et de résignation.

Je ne suis pas celle qui pourra t’aider… Souffla-t-elle. Je ne peux plus aider personne…

Comment pouvaient-ils retrouver leur chemin alors que leurs routes étaient totalement parallèles ? Ils étaient tous deux perdus et se tenir la main pour avancer n’y changerait rien. Deux boiteux ne peuvent pas mieux marcher à deux, c’était un fait.

Il faut que tu te reposes, que tu remettes de l’ordre dans tes pensées… Je t’emmènerais où tu le souhaiteras.

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