Un rendez-vous mal parti[PV Razel]

Je m'étais levée avec difficulté ce matin, et même deux cafés noirs n'avaient pu me réveiller entièrement. Pourtant ce n'était pas la journée à être comateuse! Aujourd'hui, je devais voir Razel, un de mes premiers nouveaux clients. Au fond de moi, je savais que sortir hier soir, à la suite de la visite surprise d'une vieille amie, n'étais pas une bonne idée. Mais bon, ce n'est pas parce que l'on a 38 ans que l'on ne peux pas faire la fête. J'avais passé une bonne soirée, c'était le principal. Et maintenant, je devais avoir une journée productive. Moi je vous le dis, c'est mal parti... Enfin, deux autres cafés plus tard, une bonne couche de fond de teint et de l'anti-cernes, me voilà fin prête pour mon rendez-vous. Une touche de rouge à lèvre et tiens, j'allais oublier, une perruque. Oui ca me prends desfois, pour rencontrer des clients je mets des perruques. Comment ca je suis paranoïaque? Mais non, je tiens seulement à la discrétion. Et puis, les cheveux blonds me font un très joli teint. Bref, j'ai raison un point c'est tout.

- Aaaaah je vais être en retard!

Excusez-moi, on reprendra cette discussion sur mes penchants parano plus tard, j'ai du boulot moi! J'attrape mon sac et me précipite à l'extérieur, n'oubliant tout de même pas de refermer ma maison. Direction le métro. Arrivé sur les quais, j'ai l'impression que le temps tourne au ralenti. Mais il fait quoi ce foutu métro? Ah le voilà, ca va je ne suis pas encore trop en retard.

10 stations plus loin avec un changement de ligne, ainsi que 5mn de marche, me voilà arrivée au hall. Nous nous sommes donné rendez-vous devant l'opticien, près de l'entrée. Mon client ne semble pas être encore la. Je regarde furtivement ma montre. Pourtant j'ai quand même cinq minutes de retard. Et voilà, c'est ca de se presser pour rien. Ah la la, ces hommes je vous jure... 10mn encore plus tard, toujours personne. Je commence à me mordiller nerveusement la lèvre. C'est pas normal 15mn de retard. A moins que je me sois plantée d'endroit? Voyons voir, y-a-t-il un autre opticien dans la halle? Je me passe en revue les différentes boutiques avant de tomber sur le magasin qu'il me faut. Bien sur il y en a un autre, situé de l'autre côté en plein milieu. Je vais aller y jeter un coup d'oeil, au cas où. Je me lève donc de mon banc et soupire silencieusement.

Quelques minutes plus tard, me voilà de retour, après être aussi passée aux toilettes. C'est bon, mon fond de teint est toujours là, ma sortie d'hier est quasiment invisible. Ca ne serait pas professionnel. Voyez-vous je ne veux pas perdre mon premier gros client. D'ailleurs, je l'aperçois, assis sur ce même banc où je m'étais installée tout à l'heure. Je m'approche à grand pas, le sourire aux lèvres.

- Bonjour! J'étais partie voir à l'autre opticien, au cas où on se serait mal compris.

Je suis contente de l'avoir trouvé, j'ai cru qu'il y arriverait pas. En plus, j'ai une migraine qui démarre. Courage Jenny, sois souriante, ne t'emmêle pas les pinceaux et ne baille surtout pas!

Tirant sur le col de son caban noir, Razel quitta la chaleur relative du hall de son immeuble. Le froid était piquant et le vent glacial qui s’était levé n’arrangerait rien aux températures ou à son humeur déjà massacrante. Il avait eu de terribles cauchemars cette nuit encore et n’avait pu fermer les yeux que quelques heures à peine pour ne pas changer. Toujours les mêmes visions macabres, le même genre de scénario, mais les visages étaient différents à chaque fois, bien que chaque fois déformés par une terreur sans nom au moment où le Spirit dérobait leur dernier souffle.
C’était donc épuisé et agacé que le jeune homme s’était levé. Il avait été courir pendant une petite heure pour se défouler, puis était rentré prendre une douche et avaler un petit déjeuner. Il avait encore au moins deux heures devant lui avant de devoir se mettre en route pour retrouver son indic dans le lieu neutre qu’ils avaient défini : les halles de Londres.
C’était la quatrième fois qu’ils se retrouvaient en ville pour affaire, chaque fois dans un lieu différent mais toujours bondé. Razel avait trouvé ça comique. Il se croyait dans un de ces films d’espionnage qu’il regardait parfois avec son père… souvent des navets d’ailleurs.
Mais cette fois, les choses ne s’étaient pas passées exactement comme le jeune homme l’avait prévu…

Alors qu’il était en train de revoir le dossier que la jeune femme l’avait aidé à monter et qui contenait des informations sur les familles des victimes de son Spirit, Razel s’était assoupi. Lorsqu’il s’était réveillé, il ne lui restait plus d’une dizaine de minutes pour rallier le entre ville et rejoindre Jennifer (si tant est qu’il s’agisse bel et bien de son prénom). Razel s’était dépêché de rassembler ses affaires avant de se mettre en route, agacé par sa négligence.
Et si elle décidait de ne pas l’attendre ? Il fallait faire preuve de patience dans un job pareil mais on ne savait jamais. Le jeune homme avait besoin de récupérer les informations sur la famille qu’il lui avait demandé de retrouver lors de leur dernier entretient, et il avait un nouveau nom pour elle. Il ne pouvait pas se permettre de manquer ce rendez-vous.

Au pas de course, il avait rejoint la station de métro la plus proche puis s’était engouffré dans le centre commercial. Le bâtiment avait été récemment remis en état par des sorciers, et Razel n’y avait encore jamais mis les pieds. C’était un endroit qu’il affectionnait étant adolescent et ses amis et lui y avaient eu beaucoup de bon temps. Aujourd’hui, cette époque lui paraissait lointaine, ses souvenirs semblaient appartenir à quelqu’un d’autre…
Mais ce n’était pas le moment de penser à cela.

Se repérant sur les quelques plans interactifs des halles, il repéra l’opticien devant lequel ils s’étaient donnés rendez-vous et s’y dirigea d’un pas pressé, avec une bonne quinzaine de minutes de retard. Une fois sur place, l’estomac noué, il parcourut frénétiquement le décor du regard. Il n’aperçut le visage familier de Jennifer nul part… Evidemment…
Abattu, le jeune homme se laissa tomber sur un des bancs installés au centre du couloir, sans prêter d’attention aux passants bruyants qui l’entouraient. Il prit sa tête entre ses mains et laissa échapper un lourd soupir las. Il allait falloir qu’ils redéfinissent un lieu de rendez-vous et qu’il patiente pour obtenir ses informations.
Ce qui était peut-être préférable au fond, vu comme il avait été reçu par la dernière famille qu’il avait rencontrée… Razel ne pouvait cela dit pas les blâmer. Après tout, l’Autre avait massacré la fille unique du couple que Jennifer avait retrouvé pour lui.

Alors qu’il était tout à ses sombres pensées, une silhouette vint se planter devant lui, le couvrant de son ombre. Le grand brun au teint pâle leva ses yeux clairs et reconnu presque immédiatement Jennifer. Cette dernière lui adressait un sourire mêlant soulagement et gêne. Razel se leva d’un bond, comme s’il avait été sur ressort et lui rendit son sourire.

« C’est rien. Désolé pour ça j’ai…j’ai eu un contre temps » s’excusa-t-il rapidement « Vous…vous allez bien ? » se risqua-t-il à demander

Leur rapport devait rester strictement professionnels, elle avait été très claire là-dessus lors de leur premier rendez-vous. Mais ça ne devait pas l’empêcher de respecter les politesses d’usage.

Je suis bien contente de trouver Razel. J'avoue que sur le chemin pour revenir à notre point de rendez-vous, je me suis demandé si entre temps, il n'était pas arrivé et reparti, ne me voyant pas. Alors le voir a été un soulagement, sinon il aurait fallu le rappeler décalé le rendez-vous. Et comme je suis chargée en ce moment, ca n'aurait pas été facile. Non pas que j'ai beaucoup de travail en tant qu'informatrice, loin de là, mais ma boutique de vetêment tourne à plein régime en ce moment. Dire que quand j'ai recommencé mon premier métier, la boutique était plutôt vide, il faut que ca soit maintenant qu'elle me prenne tout mon temps. Je réprime un soupir et me tourne vers Razel pour lui serrer la main, de manière professionnelle.

A sa question, je fronce les soucils, ce qui augmente ma migraine. Grrr, satané mal de tête. C'est vrai que j'ai demandé à ce que nous ayons des rapports strictement professionnels, et les clients gardent souvent une distance respectueuse. Une fois je m'étais attachée à un client, plus jamais je ne recommencerais la même connerie. D'ailleurs depuis, je ne me rappelle pas qu'il y en a un qui m'a déjà demandé plus d'une fois si j'allais bien. Mais ca c'était avant, quand j'avais beaucoup de boulot, quand je n'avais pas encore arrêté. La je n'ai qu'un seul client, alors il me faut un peu lâcher de lest, être aimable, comme à la boutique.

- Très bien et vous?

Quelque chose de neutre mais de gentil c'est pas mal. Je profite de sa réponse pour me repasser dans ma tête notre dernier rendez-vous. J'avais des infos à chercher. D'ailleurs j'en ai fait quoi de mon papier? Et je l'ai oublié à la maison! Quelle idiote. Mais heureusement, j'ai une super mémoire, à défaut d'avoir de supers pouvoirs de sorcière.

Bon, en attendant nous n'allons pas rester plantés là comme deux pingouins. C'est plutôt original dans un centre commercial de ne pas se promener, un peu trop voyant à mon gout. Il faut rester discret. Et voilà, je redeviens parano. Moi je vous dis, c'est la migraine qui me fais ca.

- Et si nous marchions dans la galerie tout en discutant? Cela sera plus agréable que de rester ici.

Je me rappelle alors d'une autre discussion lors du dernier appel, lorsque nous nous sommes donnés rendez-vous. Il n'y a pas que moi qui a des pistes à explorer.

- Vous m'aviez dit au téléphone que vous aviez de nouvelles pistes pour moi? Un nom peut-être? J'ai moi-même beaucoup de chose à vous apprendre.

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