Le train roule à grande vitesse, dégageant une trainée de fumée blanche. Dans un compartiment, quatre garçons se tiennent compagnie comme ils peuvent. Le soleil se couche, projetant ses rayons rougeâtres sur le train. Un garçon aux traits asiatiques, tenant la main de son voisin, rêvasse tranquillement en observant le paysage. Il repense à leur toute première sortie sur le Chemin de Traverse. Dans le magasin de baguettes, Päassion est assis sur un tabouret, balançant ses jambes dans le vide. Il regarde son cousin, Gabriel, choisir sa baguette. On dit toujours que c’est la baguette qui choisit le sorcier et non l’inverse. Mais ils n’y croient pas. Lorsque son tour arrive, il se lève et s’avance fièrement vers le vendeur. Mais son courage rebrousse tranquillement chemin tandis qu’il se poste devant le vieil homme. Contrairement à son cousin, la première est la bonne. En bois de pommier, symbole de choix et de beauté, avec un crin de licorne à l’intérieur. Il sourit, tenant l’objet symbolisant les sorciers, délicatement dans ses mains. Son bois est pâle et léger, doux au toucher. Se désintéressant rapidement de sa nouvelle acquisition, Päassion se précipite vers son cousin. Il lui prend la main, tout comme à présent, dans le train.

Retour à la réalité, six ans plus tard. Päassion se souvient que le lendemain, il débarquait avec son cousin dans une école de sorcellerie privée, en attendant la réouverture de Poudlard. A sa gauche, il entend un hoquet et sent Gabriel bouger contre lui. Il sursaute aussi, parce que décidemment, on n’a pas idée de se réveiller si brutalement. Un voile d’inquiétude passe sur son visage tandis qu’il l’interroge du regard. La réponse, un simple sourire, suffira à le rasséréner. Néanmoins, devant ce silence assourdissant, il se force à meubler la conversation, avec Gabriel, les deux autres occupants du compartiment aussi. Ils sont gentils. Ou peut-être Päassion est-il un peu naïf. Il sourit, il parle, tout cela en tenant la main rassurante de son cousin. Les heures défilent tranquillement. Un préfet vient leur expliquer ce qui va arriver, mais c’est trop compliqué pour lui et il décroche au bout de quelques minutes. Partie d’échecs, que Päassion perd bien entendu. Soudain, lorsqu’il regarde à la fenêtre, il voit ce paysage qui l’émerveille. Le nez collé à la vitre, il s’émerveille de ce spectacle alors que Gabriel l’observe en riant. Se moquerait-il de lui ? Le petit brun se retourne pour lui tirer la langue. Néanmoins, la gaieté ne dure pas longtemps.

« Dites, vous savez ce qui va se passer, une fois là-bas ? » demande un garçon blond dont il n’a pas retenu le prénom. Non, ils ne savent pas. Personne ne sait. Et ils attendent avec impatience l’arrivée. Elle se fera sans aucun doute de nuit. L’asiatique déteste ça. Il a une peur panique du noir, mais ça, il ne l’avouera jamais. Seul Gabriel le sait. Alors, tandis que la nuit tombe, il lui tient la main. Le quatrième garçon secoue la tête. Bien entendu, il ne peut pas savoir. Il leur suffit d’un regard et Päassion répond pour eux.
« Nous non plus. »
« Enfin, il faudrait penser à se changer. » C’est Gabriel qui a parlé. Le cousin acquiesce et les quatre s’exécutent sans un mot, cette fois. Au moment où Päassion se rassoit, les freins du train crissent douloureusement alors que celui-ci ralentit lentement. Son chat noir grimpe sur ses genoux et se love contre lui. Il fronce les sourcils. Bientôt, ils seront arrivés.

Le train est enfin arrivé à bon port. Sans se soucier des valises, Päassion descend du train, juste derrière son cousin. Il a tellement hâte de découvrir son nouvel environnement qu’il en a oublié les bagages. Seul le chaton avait eu la présence d’esprit de grimper sur son épaule. Mais on le lui prend, l’assurant qu’il sera dès ce soir avec lui dans son dortoir. Päassion ne s’inquiète pas. Il fait confiance à tout le monde de toute façon mais répond avec arrogance, pour le plaisir d’être comme son cousin. En voyant les barques flotter sur l’eau, le garçon grimace. Il a le mal de mer. Mais il monte quand même, faute d’avoir le choix. C’est assez impressionnant de voir la barque avancer toute seule sans vraiment tanguer. Le nez levé vers les étoiles et le château se profilant à l’horizon, le garçon reste sans voix, la bouche entrouverte, serrant fort la main de son cousin. Dans la bousculade de la descente, un garçon bascule vers eux, s’accrochant à la robe de l’autre Blackwell. Tandis que Gabriel écarte son cousin, celui-ci veut s’approcher pour aider le garçon. Mais trop tard, il se fait entraîner. Entre les murs, les fantômes circulent. Certains s’en effraient, d’autres pas. Gabriel et Päassion sont de ceux-là.

Un professeur entre pour leur rappeler combien cette première année est importante et leur rappeler la renommée de Poudlard. Des vertes et des pas mûres. Päassion décroche de nouveau, jusqu’à voir les grandes portes s’ouvrir. D’un même mouvement, les premières années lèvent la tête vers le plafond. C’est spectaculaire, encore plus que ce qu’on leur avait dit. C’est une nuit étoilé, sans aucun nuage. Leurs aînés, assis à leur table, rient gentiment de les voir tous si ébahis. Forcément, ils se sont habitués à ce plafond changeant. Mais Päassion se demande s’il s’y habituera un jour. Tout à coup, il rentre dans son voisin de devant. S’excusant à mi-voix, il baisse les yeux, rouge de honte. Voilà ce que c’est de trop garder le nez levé. Devant eux, sur un vieux tabouret, se tient… Enfin est posé un vieux… Morceau de chiffon décrépit. Le garçon hausse les sourcils, tentant de deviner ce qu’était cette chose. Et alors lorsque la chose se fend d’une ouverture béante pour sa petite taille, Päassion sursaute. La chose chantait. Enfin, le Choixpeau chantait. Si on lui mettait cette horreur sur la tête, il partait en courant. La liste des élèves défile si vite, qu’en entendant le nom de son cousin appelé, il se demande un instant s’il n’avait pas omis son nom. Mais non, voyons, ils étaient classés par ordre alphabétique.

Blackwell. Les murmures s’élèvent autour d’eux. Päassion fronce les sourcils et hausse la tête. Oui, un Blackwell, famille de sang-pur. Même un deuxième dans quelques minutes. Un élève derrière lui murmure que celui-là ira à Serpentard, comme tous les autres. Le garçon recule le pied et écrase celui d’où vient le blasphème. Il se retourne et, avec un sourire mauvais, s’excuse. Il n’en pense pas un mot. Nouveau moment de black out tandis que Päassion répand dans sa tête un chapelet d’insultes à ceux qui osent insulter les Blackwell. Son regard se perd dans le vague mais reste pourtant fixé sur Gabriel, qui ne semble pas le moins du monde embêté par ce truc sur sa tête. Un mouvement le fait revenir à la réalité. Gabriel qui se lève et disparait sur le côté. Il se maudit intérieurement. Il n’a même pas entendu le nom de la maison. Priant de tout son cœur pour aller dans la même que lui, il attend l’appel de son nom, dansant d’un pied sur l’autre.

« Blackwell Päassion ! »

Encore un, oui. D’une démarque qui se veut assurée, il bouscule les deux grandes perches qui se sont postées devant lui et s’excuse d’un air dédaigneux. Monte les deux petites marches qui le séparent du tabouret et s’assoit avec grâce. On lui pose le chapeau sur la tête, il frissonne mais rien de plus. Ce truc est dégoûtant, mais il ne montre aucun signe de dégoût. Sûrement l’envie d’être comme son cousin qui le pousse à rejeter les émotions avec force. Le bout de chiffon glisse sur ses yeux. Définitivement dégoûter, il le relève du bout des doigts. La fente de sa bouche s’ouvre de nouveau pour lui murmurer des choses que Päassion ne veut pas écouter. Tout ce qu’il veut, c’est le verdict, retrouver la main rassurante de son cousin. C’est comme une litanie que le garçon fait semblant de ne pas entendre. Il ferme les yeux et marmonne quand même pour lui seul que c’est du grand n’importe quoi. Un « Ah ! » du Choixpeau le fait sursauter. Il ferme fort les paupières, son cœur battant fort à l’approche du verdict…

« On va se faire tuer. »
« Mais non, t’en fais pas. »
Ne pas s’en faire. Facile à dire. Pourtant Päassion pousse la porte du magasin. Tatouages et piercings. L’idée revient à Gabriel. Quoiqu’il a bien envie d’un tatouage. Mais il ne sait même pas encore quel genre. Et il ne veut pas avoir mal. Petite nature. Retenant le Rationnel pour que l’Emotionnel ne prenne pas sa place, il répète dans sa tête que ce n’était rien. On n’en choisirait pas un trop grand et sûrement pas à remplir d’encre. Il serre la maison de son cousin dans la sienne. En voyant le gérant sortir de l’arrière boutique, il sent le Rationnel faire ses valises, le voit accroché une pancarte « fermeture annuelle » et partir en vacance. L’Emotionnel s’installait confortablement. Le garçon pile net.
« Je veux pas y aller. »
« Tu vas pas te dégonfler maintenant ? Aller, viens, n’ai pas peur. »
« J’ai pas peur. Je veux pas y aller. »
« S’il te plait. »
Le ton y est. Lorsque Päassion relève les yeux vers son cousin, qui lui adresse un regard de chien battu. Marmonnant que c’est juste pour lui faire plaisir, il se laisse entraîner. Une fois devant le gérant, qui s’avère être un gros nounours, Päassion se désintéresse totalement de la conversation, jusqu’à ce qu’on lui pose un catalogue sous les yeux. Ahuri, il lève le regard vers Gabriel, qui lui fait signe de regarder. Alors, il l’ouvre. Tribal, réaliste, old school, occidental, celtique, asiatique, biomécanique. Il grimace. Tout est si laid. Il demande alors une feuille de papier et un crayon et, en quelques secondes, dessinant une paire d’ailes, simple mais à son goût. Les deux autres le regardent avec de grands yeux.

« Quoi ? »
« Euh… Non rien. » réplique Gabriel.
« On va commencer par vous alors. » annonce le tatoueur.
Le concerné ouvre la bouche pour protester, mais Gabriel le pousse déjà dans l’arrière-boutique. C’était injuste. Croisant les bras sur son torse, il se laisse faire. Planté au beau milieu de la pièce, il répond froidement aux questions médicales que lui posait l’homme. Finalement, on lui dit d’enlever son haut et de s’asseoir à l’envers sur une chaise de dentiste. Gabriel s’assoit devant lui, sur un autre tabouret et lui prend la main, lui assurant que ça ne ferait pas mal. L’autre Blackwell ne répond pas, boudant son cousin. Une sensation glacée l’envahit, et il a un hoquet de surprise, cambrant le dos. C’est juste un désinfectant. Il se détend imperceptiblement. Mais il reste quand même tendu, à la fois à cause de ce qui va suivre et à cause de la position très gênante qu’il maintient. Assis à califourchon sur une chaise de dentiste penchée, il a le menton posé sur le dossier, soutenu par ses mains. Les doigts de Gaby font de lents va et viens sur les bras du garçon, qui boude toujours mais un peu moins par qu’il prend la main de son cousin.

« Aller, détendez-vous, maintenant. »
Päassion grimaça et serra la main de son cousin, fermant les yeux. Il entend très nettement le dermographe s’enclencher. Dans sa tête, il supplie le Rationnel de revenir, mais en vain. Il aura laissé la boutique à l’Emotionnel. Et pourtant, aucune douleur, juste une légère gêne qui lui traverse le dos. Il ouvre les yeux, un peu hébété. Mais lorsqu’il veut redresser la tête, une douleur aigue lui parcourt le dos et l’oblige à se replacer, gémissant de douleur.
« C’est pas juste… » marmonne-t-il.
Le tatoueur, plongé dans son travail ne l’entend pas et Gaby se contente de l’embrasser brièvement. Päassion rougit. Pas devant tout le monde. L’idiot. La douleur s’évapore lentement tandis que le jeune homme s’efforce de respirer. Les caresses de son cousin l’aident beaucoup. Et il…

« Voilà, c’est fait. Attendez, ne bougez pas. »
Päassion sursaute. Déjà fini ? Il sourit, fier de lui. Il s’était presque endormi. Mais passons. La sensation de froid dans son dos revient mais il ne bouge pas. A la place d’un pansement, on lui met un bandage, car le tatouage est un peu grand. Il lui prend toute la largeur du dos, au niveau des omoplates. Le gérant lui explique ensuite comment il doit continuer à nettoyer sa peau et faciliter la cicatrisation, notamment à l’aide d’une pommade. À noter que cette dernière partie est à présent sous la responsabilité du tatoué. La peau doit rester aérée en permanence, elle doit rester ni trop sèche ni trop grasse. Il faut rester vigilant en ne laissant aucun agent infectieux être en contact avec la plaie. Le nettoyage doit se faire au moyen d’eau tiède et de savon doux ou d’une solution antiseptique sans alcool. Il acquiesce mais n’écoute qu’à moitié, sachant que de toute façon, Gaby a déjà tout enregistré pour lui. Il se lève alors de son fauteuil et prend la plage de Gabriel, sur le tabouret, tenant toujours son haut entre ses mains.

Gabriel est beaucoup plus courageux que lui mais Päassion garde quand même une main sur son épaule tout au long de l’opération. Lui qui déteste les aiguilles, ça ne lui avait rien fait durant le temps qu’on avait mis pour lui faire son tatouage mais là, voir l’aiguille contre la peau de son cousin, contre ses si belles lèvres jamais violées par d’autres que par Päassion, ça lui retournait l’estomac. Juste avant qu’ils ne ressortent pour aller payer, le jeune homme dépose un baiser sur la joue de son cousin.
« Tu as été très courageux, aniki. » murmura-t-il avec un ton à la fois moqueur et fier.
Payement en monnaie moldue. Ils saluent les deux propriétaires en sortant. Gaby dépose sa veste sur ses épaules. Ce n’est pas très chaud, mais c’est l’intention qui compte. Päassion lui accorde un autre baiser. Sûrement pour les détendre tous les deux. Gaby ne semble pas être nerveux, mais son cousin l’est. Il pense déjà à l’énorme engueulade qui aurait lieu quand ils seraient rentrés au manoir Blackwell. Bien entendu, depuis que la mère de Päassion a perdu son mari, ils vivent tous deux avec Gabriel et ses parents. Et ce n’est pas de tout repos. Nana, la mère de Päassion, est beaucoup plus compréhensive et douce que les deux autres. Depuis la mort de son mari, elle veille à toujours se montrer indulgente toute en exerçant quand même son autorité de mère. Ce n’était pas du tout la même chose côté Gabriel. Et ça, ils en auront de nouveau la confirmation en rentrant.

Päassion a toujours détesté les trajets par poudre de cheminette. Mais ils n’ont pas vraiment le choix car le manoir est loin d’ici. Il arrive quelques secondes après Gabriel. Celui-ci s’empresse de le cacher derrière son dos. Il a juste le temps d’apercevoir Mr. Blackwell s’approcher à grands pas, l’air furieux. Sa femme le suit et Nana se tient un peu plus loin. La gifle part et atteint Gabriel à la joue. Päassion fronce les sourcils et essaye de se dégager, mais son cousin le tient d’une étreinte de fer. Les gifles, il les compte. Une. Deux. Trois. Quatre…
« Chéri, je pense savoir où ils étaient. » C’est la voix de la mère de Gaby. Elle n’est pas mieux que son mari, mais pas violente, elle.
« Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?! Tu t’es fait marquer comme un simple moldu ?! » crie alors le paternel.
« Y a-t-il un problème quant à mes goûts, père ? »
Mais qu’il ne réponde pas cet imbécile ! Furieux à son tour, Päassion glisse une main sous le haut de Gaby et lui pince les côtes. Quel idiot. Il ne fallait pas répondre.
« Tu t'es vu ? Les cheveux j’ai accepté, remercie ta mère, mais ça... »
Päassion voit le père lever de nouveau la main. Il se dégage alors, profitant d’un relâchement de l’étreinte, et s’interpose entre les deux hommes. Il voit la main de l’homme, dans son élan, lui arriver dans la figure. Tentation désespérée de l’arrêter, il l’attrape de ses deux mains par le poignet et réussit à le maintenir loin de lui.
« Päassion, écarte-toi, c’est une histoire entre ton oncle et ton cousin. » ordonna sa tante.
« Je suis aussi coupable que lui ! Si vous devez le punir, punissez-moi aussi ! » A ses mots, il laisse tomber la veste de Gabriel et entreprend de retirer le bandage. Il sait que ce n’est pas conseiller, mais si ça peut empêcher l’homme de frapper Gabriel, c’est nécessaire. Son bandage tombe et il se tourne, découvrant son tatouage sur sa peau encore à vif.
« Vous… » C’était à présent la voix de Nana. Elle semble à la fois déçue et compréhensive.
« Nous n'avons certes que quatorze ans, mais je crois que nous sommes libres de faire ce que nous voulons de notre corps. Alors si vous voulez bien nous excusez, nous redescendrons pour le dîner si vous nous le permettez ma tante. » reprend Gabriel d'un ton confiant.
« Bien, montez. »

Päassion adresse un regard de remerciement à sa mère et ramasse la veste et son bandage. Il prend la main de Gabriel. Les premières marches gravies, ils s’arrêtent. Ils entendent Nana avouer qu’ils n’ont pas tord. Et Päassion sourit, heureux d’avoir une mère comme elle. Il serre la main de son cousin et l’embrasse doucement sur les lèvres. Ils reprirent sans s’attarder l’escalade des escaliers. Arrivés dans la chambre de Gabriel, celle qu’ils occupaient le plus souvent, il se sent soulevé et atterrit sur le lit king-sized. Eclatant de rire, il se suspend au cou de Gabriel et niche un instant son visage dans le cou chaud du garçon. Finalement, il se redresse et laisse son cousin appliquer la crème sur son tatouage, tout en s’inquiétant de sa joue. L’autre Blackwell lui cloue enfin le bec en lui répliquant qu’il se soignera comme un grand, lui. Bien qu’il fasse semblant de le bouder, il sourit, heureux que ça ne soit pas allé trop loin.