La nuit fut mouvementée. Mes rêves à propos des Guardiens me torturaient tellement l'esprit qu'il m'épuisait physiquement. Je les pourchassais, ils me fuyaient. Je les abandonnais, ils m'attaquaient. J'étais vidée de tout sentiment, à bout de souffle et lors de mes réveils en sursaut à répétition, il me fallait de longue minute pour retrouver mon calme et apprécier la quiétude de ma chambre. Je tournai alors sans cesse dans mon lit, offrant à ma couette un tournis incomparable qui la mettait sans dessus dessous. Avec peine, je laissais l'obscurité baigner dans la pièce pour de nouveau retrouver le sommeil mais aussitôt que le repos revenait, mes rêves m'ôtaient toute la force que je tentais de récupérer. J'étais hantée par mes efforts vains de découvrir qui ils étaient, enchaînant les échecs depuis des semaines et des semaines. Je n'avais pas la moindre information à leur sujet et cela me bouffait littéralement. Je redoublai d'efforts pour mes recherches dans la journée, délaissant petit à petit l'homme de ma vie, et ruminai mes ratés pendant toute la soirée. Je devenais infecte et je détestai cette idée. J'exprimai alors toute ma rancoeur dans ces rêves étranges et épuisants qui ne s'arrêtaient jamais et rendaient mes nuits impossibles ...

Avant que l'aube ne se lève, j'en étais déjà à mon sixième réveil. Mes yeux s'habituèrent rapidement à la noirceur de ma chambre et je sentis que mon état de fatigue était tel que je ne pouvais pas me permettre d'un autre rêve de la sorte. Glissant une mèche derrière mon oreille, je sortis de sous la chaleur réconfortante de ma couette pour aller chercher un verre de jus de fruit frais dans la cuisine.

Je tombai alors sur Bylel mais sans un sursaut. Quelle autre fille au monde n'a pas peur lorsqu'elle surprend la présence d'un homme en pleine nuit devant la porte de sa chambre ? J'ai beau chercher des noms, à part le mien je ne vois pas. J'avais tout de suite reconnu les formes de son corps athlétique d'homme protecteur, dès que j'avais posé les yeux sur lui. Il faut dire qu'après la nuit que j'avais passé, je n'osai espérer que les bras de mon homme m'attendrait pour me réconforter ... Je sentis alors sa main gauche capturée les miennes et sa main droite caressée ma joue. Ce doux contact, tendre et rassurant me procurait un bien-être indescriptible. Et pendant que je récupérais du tumulte de ces dernières heures, Bylel me fit alors la proposition la plus inattendue possible. Une fuite. Tous les deux. Rien que lui et moi quelque part sur la planète. L'idée était alléchante ... Surtout lorsque l'homme que l'on aime plus que tout au monde exprime le besoin de vous avoir rien que pour lui. Etant parfaitement incapable de lui répondre dans l'instant, je me blottis rapidement dans ses bras, profitant de quelques secondes de répit et de tendresse. L'étreinte de ses bras se resserra alors sur moi et je réalisai que j'aurais pu passer ma vie entière ainsi !

Puis, vint quelques secondes de réflexion. J'avais beaucoup de choses ici à Londres. Des rendez-vous de prévu pour découvrir les témoignages de personnes ayant aperçu un gardien ... Mais je réalisais enfin, après des mois, que cela n'apportait que du malheur à ma vie. Des amis. C'est vrai, mais aucun n'était capable de me protéger comme Bylel, de rendre le quotidien original et imprévu comme Bylel savait le faire, de m'aimer autant que Bylel ne m'aimait ... Bref, je réalisai très vite que j'avais pris ma décision dès que mon amour avait prononcé les mots "Juste toi et moi, seuls au monde." Je m'écartai alors de quelques tout petits centimètres pour plonger mon regard dans l'océan de ses yeux et lui dire : ▬ Partons à l'aventure, mon coeur ! J'esquissai alors un sourire, impatiente de voir sa réaction qui ne se fit pas attendre. Il était réjoui, plus épanoui que jamais. Je l'embrassai alors fougueusement, exprimant à travers cet acte d'amour toute l'excitation qui montait en moi depuis que j'avais accepté l'offre de Bylel. Je ne me doutais pas qu'un second évènement arriverait pendant que le ciel rosissait à travers les fenêtres ... En effet, alors que je rompis notre baiser un court instant afin de demander à celui avec qui je voulais passer ma vie : ▬ Et où comptes-tu me kidnapper, mon chéri ?, une lettre arriva par hibou à la fenêtre. Je me glissai alors pour laisser Bylel et aller chercher le courrier. Je déposai quelques Miam'Hibou pour le messager et saisis le parchemin dont je reconnus immédiatement le sceau ... J'ouvris la lettre, la parcourut des yeux dans le plus grand silence et ajoutai d'un ton mystérieux à l'attention de Bylel tout en restant à côté de la fenêtre : ▬ J'ai un aveu à te faire.

« Partons à l'aventure, mon coeur ! » Ce ne fut qu’à cet instant que je me rendais compte à quel point j’avais été sous pression ces derniers temps. La tension de ma cage thoracique se libéra d’un coup, et j’en eus durant quelques secondes le souffle coupé. Un grand sourire vint déformer mon visage et j’en avais presque mal aux joues ; avais-je déjà été si heureux ? Avais-je déjà eu la notion de bonheur à cette échelle ci ? La réponse n’était pas dure à trouver.

Je répondais avec empressement à son baiser, et l’entourais de mes bras, heureux de sa réaction. Que pouvais-je souhaiter de plus, désormais ? Le bonheur semblait m’appeler, et cette fois, je n’avais pas l’intention de le laisser s’en aller de si tôt. Je souhaitais qu’il devienne ma routine, mais quelle belle routine ! De plus, lorsque la question de la destination se posait, je rigolais, comme je n’avais pas rigolé depuis longtemps. Un long accès d’hilarité, qui me tordait l’estomac et me faisait pleurer – de joie, évidemment. « Peu importe la destination, Haley. Tout ce qui compte, c’est que l’on soit ensemble. »

Soudain, un hibou vint perturber notre instant d’euphorie. Je l’observais passer par la fenêtre, intrigué, espérant que son plumage noir n’était pas signe d’un mauvais présage. L’animal posa ses yeux doré sur moi, et m’observa placidement. Bizarrement, je ressentais comme un défi dans ses yeux, et je ne le lachais pas du regard. Cet animal connaissait-il la nature de la lettre ? Difficile de le concevoir, après tout, ce n’était qu’un volatile. Cependant, la froideur qui se dégageait de lui me donnait une nausée gênante, et je baissais les yeux vers Haley, dos à moi, qui parcourait des yeux la lettre. Je n’osais pas même m’approcher. Une certaine solennité se dégageait de la pièce désormais, et je ne résistais finalement pas à l’appel que le corps d’Haley me lançait. Entourant son ventre de mes bras, et posant mon front contre ses cheveux, je soufflais : « Quel est cet aveu ? ».

Je tentais de regarder les mots qui se détachaient du parchemin, mais ses doigts fins et blanc venaient d’en refermer le cachet, et je n’avais plus d’échappatoire : les paroles d’Haley seraient mes seules certitudes.

Je me mordis les lèvres, plus par impatience que par stress bien que j'étais tout de même un peu anxieuse. Nous avions vécu là quelques minutes d'amour pur et fort et je m'en serais énormément voulu de gâcher cet instant si précieux. Cependant, je n'avais pas le choix. Il fallait que je le lui dise. Je n'aurais pas supporter le moindre secret ni le moindre mensonge après ce que nous avions vécu tous les deux. Notre histoire avait été épique, parfois tragique et souvent magique. C'était bien simple : le jeune couple que nous formions avait vécu autant d'aventures qu'un vampire pendant sa tranquille éternité ! Et à cet instant précis, je sentais que ma future annonce se révélait être à double tranchant : soit elle nous rapprocherait plus que jamais et nous serions à nouveau aussi heureux et amoureux que quelques instants plus tôt, soit elle nous divisait et semait un vent de panique que je craignais qu'il n'envoie valser en mille morceaux notre couple. Tout dépendrait de la réaction de Bylel ... Mais l'heure fatidique était venu, je n'avais plus le temps de douter !

Alors que mes yeux reparcourait rapidement le contenu de la lettre, je sentis mon homme se rapprocher. Je refermai alors immédiatement le parchemin, pour éviter tout regard curieux de sa part, et accueillis avec plaisir les bras qu'il m'offrait et dans lesquels je me blottis. Front à front, chaque cellule de mon visage appréciait la chaleur qui irradiait de Bylel et je ne fus m'empêcher de sourire. La clé était là : je n'avais qu'à parler, et attendre le sourire qui me délivrerait ... Je pris alors une profonde inspiration, plongeai mon regard dans le sien, et commençai à rompre le silence d'une voix douce : ▬ J'ai passé des examens à Sainte Mangouste la semaine passée et je ne t'ai rien dit pour ne pas t'inquiéter tant que je n'avais pas les résultats mais ... j'agitai doucement la lettre avant de poursuivre, les voilà. Je marquai alors une petite pause, pour réfléchir aux mots que j'allais employé. Je notais néanmoins l'inquiétude et l'empressement de Bylel à découvrir la vérité, aussi, je poursuivis mon explication ... ▬ Tu sais, nos petites escapades en amoureux à l'improviste en transplanant presque n'importe où comme ça, sur un coup de tête ... eh bien, il va falloir que j'arrête. J'avais dit tout ceci d'une voix tendre, toujours en fixant de mes yeux brillants le visage de Bylel. Je descellai chez lui un mélange de sentiments contradictoires mais j'étais principalement accaparée par la beauté de ses traits. Je laissai ma main glisser le long de sa joue tout en admirant son regard qui me faisait chavirer le coeur. Oui, accepter la proposition de cet homme de rêve avait été la meilleure décision de toute ma vie ! Je l'aimais tellement que mon coeur semblait prêt à exploser d'une seconde à l'autre ! Alors, dans un sourire, je conclus mon explication : ▬ Je suis enceinte.

Elle eut une inspiration trop profonde pour être naturelle. J'observais son visage par dessus son épaule et resserrais l'étreinte de mes bras autour d'elle. « J'ai passé des examens à Sainte Mangouste la semaine passée et je ne t'ai rien dit pour ne pas t'inquiéter tant que je n'avais pas les résultats mais … les voilà. » Je retenais mon souffle. Comment définir cette tension qui explosait dans chacune de mes cellules ? Elle me rongeait, aller me laisser à l'état de simple bombe prête à imploser... je n'en pouvais plus, il fallait que je sache.

Je lui arrachais littéralement la feuille des mains, et pourtant, je ne pouvais me résigner à la regarder. Mes pupilles papillonnaient vers les caractères élégants du bout de papier, mais refusaient de les décrypter. Je fermais les paupières douloureusement, tentant tant bien que mal de vider mon esprit aux invincibles questions qui tranchaient les frontières de mon cerveau. Elle marqua une pause – bien trop longue. Combien de temps resta-t-elle silencieuse ? Une seconde, une heure, une semaine ? Il m'était impossible de le dire, et ma joie initiale avait laissé place à une impatience maladive. « Tu sais, nos petites escapades en amoureux à l'improviste en transplanant presque n'importe où comme ça, sur un coup de tête ... eh bien, il va falloir que j'arrête. » « C'est de la véritable torture. Haley... » je prenais ses mains entre les miennes et déposait un baiser sur ses phalanges délicates, le regard baissé vers elle. « Que t'arrive-t-il ? » « Je suis enceinte »

Enceinte ? Je lui jetais un coup d'oeil ahuri, figé dans une position de totale stupeur, ses mains toujours serrées entre les miennes. Mon regard se perdit dans le vide, passant à travers son corps sans le voir. Enceinte ? Alors... alors j'allais être... Pere ? Avoir un enfant, m'occuper de lui, l'eduquer, le voir évoluer, le voir grandir ? Serais-je à la hauteur ? La question ne se posait même pas. Il le faudrait. Mon enfant. Je souriais, et posais instinctivement une main sur le ventre encore plat de ma Haley, tout en sachant très bien que je n'aurais aucun signe de vie pour l'instant. Mais elle m'observait avec une inquiétude palpable. Bien dissimulée, mais palpable. Et pour toute réponse, je me contentais de répondre avec un sourire dans les yeux et les lèvres: « C'est une fille ou un garçon? » Je rigolais doucement. « Histoire de savoir s'il faudra acheter du papier peint bleu ou rose, à cette petite chose. » Un grand sourire vint définitivement de figer sur mon visage et je prenais haley dans mes bras et la faisait voltiger à travers l'appartement en eclatant de rire, me rejouissant déjà à l'idée de ce futur qui nous attendait, nous tendait les bras...

Alors que Bylel laissait exploser toute la pression accumulée ces dernières minutes, il me serra dans ses bras pour me faire virevolter dans toute la pièce. Le décor tourbillonnait autour de moi sans que mes yeux ne puissent suivre le rythme, mais l'ivresse de ce bonheur partagé m'étourdissait plus encore que n'importe quel manège. Je laissais ma tête basculer en arrière tout en riant comme une fillette dans les bras de son père, à la fois protégée et amusée. Puis, reprenant petit à petit conscience des choses, j'abandonnai momentanément la joie qui m'habitait pour me pencher vers le visage de Bylel. Mes mains cueillirent ses joues comme le plus précieux des fruits et plongeai mon regard dans le sien, mes pupilles pétillantes de malice. ▬ Hey sweet heart, je suis enceinte de seulement un mois ! Il faudra attendre plusieurs semaines encore pour connaître le sexe du bébé. Je laissai un léger rire s'échapper de mes lèvres, déposai un doux baiser sur les siennes et ajoutai d'un sourire en coin : ▬ Mais tout engouementme fait chaud au coeur ! Langoureusement, je passai alors mes bras autour de son cou et échangeai avec l'homme de ma vie un long baiser amoureux. Les minutes s'écoulèrent ainsi, lui et moi, nos corps mêlés, nos lèvres inséparables. Si tel était le paradis, que l'on me tue sur le champ !

Le père de mon enfant. Je pouvais appeler Bylel, le père de mon enfant. Vous ne pouvez imaginer à quel point ces paroles étaient douces à mon coeur. C'était insensé ce que j'éprouvais pour lui. Ce n'était pas de l'amour, c'était de la passion. Ce n'était pas de la fierté, c'était de l'adoration. Ce n'était pas de la confiance, c'était de la dévotion. J'aurais tout donné pour lui. Mon corps, mes pouvoirs, mon âme ... Rien n'avait autant de valeur à mes yeux que cet homme qui me faisait l'inestimable honneur de m'accorder son amour. Malgré tout ce que nous avions vécu, l'idée qu'un petit être allait bientôt nous rejoindre et que ce cadeau du ciel serait aussi merveilleux que lui paraissait totalement irréelle, féérique. D'ici quelques mois, nous serions tous les trois, prêts à passer la vie la plus merveilleuse qu'il soit, simplement parce que nous serions ensemble. Loin de la foule, de l'agitation et des problèmes. Juste notre famille. Qui osait espérer mieux ? Si cette prophétie m'aurait été annoncée pendant mon enfance, je ne l'aurais tout bonnement pas cru, tant tout ceci semblait trop fantastique pour être vrai. Et pourtant, le premier jour du reste de notre vie commencerait à l'aube ...

▬ Failamalle ! lançai-je en pointant ma baguette vers ma chambre alors que Bylel m'avait reposé au sol. Un léger bruit de valise qui s'ouvre me confirma que le sort avait fonctionné et que mes affaires étaient entrain de s'empaqueter elles-même. J'écrivis un mot au propriétaire de l'appartement que je louais pour lui annoncer mon départ et déposai celui-ci bien en évidence sur la table, avec le cadre dans lequel se trouvait notre plus belle photo de couple. Puis, je rédigeai une note sur un bout de parchemin pour demander une réservation sur le prochain vol à destination de New-York que j'envoyai par hibou à Heathrow. Une fois ces quelques détails réglés je retrouvai Bylel, assis sur le canapé, perdu dans ses pensées. Je pris place sur ses genoux et lui annonçai : ▬ Je nous ai réservé un vol pour les Etats-Unis. Un si long transplanage est peu recommandé pour une grossesse donc tu devras te résoudre à agir comme un banal moldu pendant les dix prochaines heures ! Bylel sembla amusé et alors que j'arrangeai machinalement le col de sa chemise, j'ajoutai : ▬ J'aimerais annoncer la bonne nouvelle de vive voix à ma mère. Tu sais à quel point elle compte pour moi. Mais ne t'en fais pas, tout de suite après, nous choisirons la destination de notre choix pour notre nouvelle vie de famille ! ▬ J'ai encore du mal à croire mes oreilles quand je t'entends dire ça. Notre famille ... Je crois que j'ai rêvé que tu prononces ces mots depuis notre première rencontre. Il m'embrassa tendrement et ne pus résister à la tentation de caresser mon ventre. M'adressant alors à celui ou celle que je portais en moi, je murmurais d'une voix douce : ▬ Je ne sais pas ce que ton papa me réserve encore comme surprise, je ne sais pas où tu grandiras ni quel sera ton nom, mais je suis sûre d'une chose : tu seras le bébé le plus aimé au monde !.

Il était l'heure de partir. Le vol pour New-York décollait dans deux heures et quinze minutes, première étape avant notre départ définitif pour cette nouvelle vie. Après cela, les pages du roman de notre vie restaient toutes à écrire. Mais je me sentais l'âme d'une romancière pleine d'inspiration et j'étais persuadée que Bylel m'aiderait à coucher sur le papier de formidables aventures. Alors qu'il m'attendait dans l'encadrement de la porte, les valises chargées dans la voiture, je vins me blottir dans ses bras. Un sourire. Un baiser. Puis un mot ... ▬ Je t'aime, tu le sais ça ! ▬ Moi aussi je t'aime, Haley Joy Atwood ! Et enfin une porte qui se ferme.



THE END