Qu'as-tu fait ? [Thalie]

Que s'était-il passé ? L'école de Thalie m'a appelée plus tôt dans après-midi, pour me demander de venir la chercher le plus tôt possible. Lorsque j'ai demandé ce qui se passait, on m'a simplement répondu : « Rien de grave, ne vous inquiétez pas ». Facile à dire. En général, quand l'école vous appelle pour vous dire d'aller chercher votre enfant, ce n'est pas très bon signe. Alors là, je savais qu'il se passait quelque chose avec ma nièce.
J'étais en plein cours de chant lorsque mon téléphone portable a sonné. Normalement, je ne réponds jamais aux appels quand je donne un cours mais quand j'avais voulu l'éteindre, j'avais vu le numéro de l'école de Thalie s'afficher et je savais très bien que c'était anormal. C'est à ce moment-là qu'on m'a demandé de venir. J'avais la ville entière à traverser. J'avais interrompu mon cours, promettant à mon élève de rester plus longtemps la prochaine fois pour rattraper le temps perdu. Remettant en hâte mon long manteau vert, mon bonnet et mon écharpe rayés de couleurs vives et en laine, et mes gants noirs, je me suis rapidement éclipsée de chez mon élève et me suis dirigée vers l'arrêt de bus le plus proche.
Il m'avait semblé que je l'avais attendu pendant des heures. Il faisait si froid... et je m'inquiétais tellement pour Thalie que mon angoisse me donnait l'impression que le temps avait drôlement ralenti depuis l'appel que j'avais reçu. Une fois dans le véhicule, j'avais essayé de bouquiner un peu. En vain. Je n'arrivais pas à me concentrer. Je ne cessais de penser à Thalie, à ce qui avait pu se passer, m'imaginais mille-et-un scénarios possibles... mais aucun qui ne semblait probable.
Mes pensées finirent par se tourner vers Eve, ma soeur jumelle, la mère de Thalie, celle qui l'avait abandonnée, qui nous avait abandonnées il y a de cela à peine trois semaines. Je ne comprends toujours pas pourquoi elle avait fait cela. Je sais bien qu'elle ne se plaisait plus à la maison ces derniers temps, l'absence de nos frères aînés était vraiment difficile à supporter. Et puis je n'aidais pas vraiment non plus, avec ma dépression et mes crises de boulimie. Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est surtout à cause de moi qu'elle est partie. Et cette idée m'insupporte.

Mais nous arrivons maintenant dans un quartier qui m'est familier et pour cause : notre quartier. Sitôt le bus à l'arrêt, je me précipite vers la sortie, traverse à grandes enjambées la rue et me hâte vers l'école de Thalie. Arrivée devant, je sonne et attends qu'on me réponde.

« Bonjour... Je suis Elisabeth Latiolais, la tante de Thalie, j'ai été appelée pour que je vienne la chercher... »

« Entrez mademoiselle, et venez jusqu'au hall, je préviens de votre arrivée. »

« Merci... »

Je pousse la lourde grille avant de traverser la cour déserte, jusqu'au hall dans lequel je pénètre, pressée de savoir ce qui se passait. L'attente m'était insupportable, je m'inquiétais tellement pour ma nièce. Mais il ne me reste plus que cela à faire. Attendre. Normalement, ça ne devrait pas durer longtemps, mais ça ne m'empêche pas de m'échouer sur le banc du hall d'entrée, attendant ma nièce et un surveillant, la directrice, ou autre membre du personnel de l'école.